« J’ignore chaque jour davantage ce que c’est : écrire. Lorsque les gens me demandent si je suis écrivain, je fais le mort, ou je réponds non, je serais plutôt peintre. J’aimerais pouvoir dire que je suis musicien. Mais je n’ai jamais appris ne fût-ce que le solfège »
Ainsi commence Autres arpents, recueil de chroniques de Jean-Claude Pirotte, écrivain inclassable, comme l’étaient avant lui Emmanuel Bove, Henri Calet, qu’il salue au passage et qui, comme lui, n’ont sans doute jamais réussi à savoir quelle place ils occupaient dans l’univers, et encore moins s’ils en détenaient une à titre d’écrivain. Qu’on ne s’y méprenne pas, il ne s’agit pas ici de fausse modestie, de pudeur, ni d’une quelconque formule pour attirer l’attention. L’aveu tient davantage de la sincérité de l’enfant qui cherche encore à percer le mystère de ce qui lui échappe, tout en sachant, la sincérité ne devant pas être confondue avec la naïveté, qu’il ne pourra jamais embrasser l’objet de sa passion. Il émane de ces pages le respect de l’artisan pour son matériau, que sont ici les mots et les phrases qui épousent le rythme, la pulsation du moment, qui se donnent comme la respiration du texte en devenir, tantôt lente et profonde, calme et sereine, et qui cherchent à rendre l’éloquence des paysages sans cesse changeants qui bercent l’imagination de l’écrivain, la passion pour la musique et le vin, et l’esprit de camaraderie qui traverse ces pages.
Autres arpents, comme son titre l’indique, donne à lire, à voir autre chose que ce que la littérature nous propose habituellement. Il n’y a ici nulle histoire qui mérite d’être rapportée, nul personnage plus grand que nature. Il y a ce chant d’un sinistré de l’âme, comme l’écrit Pirotte, qui s’émeut devant les manifestations de la vie, et qui cherche, à sa façon, à en rendre compte. « Il n’y a pas de plus parfait échange entre le silence habité d’un ciel et la musique d’une phrase. Or, le comble de la mesure est aussi le comble du mystère. » Ces pages offriront bonheur et réconfort aux lecteurs davantage intéressés au tissu de l’être qu’à ses exploits.