Jacques Godbout semble avoir hésité avant de rédiger son autobiographie. Le romancier ne nous avait-il pas déjà offert l’essentiel de lui-même à travers les personnages de ses livres ? Or, peut-être pour ne pas dérouter ses lecteurs, Jacques Godbout s’est imposé la contrainte inusitée de raconter sa jeunesse par le prisme de la voiture, jouant sur les mots autos et biographie.
Ce récit comprend d’innombrables références aux véhicules : la Packard 1935 familiale, une Coccinelle bleu acier qui fut sa « véritable première voiture », quelques Buick et bien d’autres. Sans trop insister sur les moyens de transport, l’auteur évoque également les moments déterminants de sa vie : un voyage avec son père dans le Bas-du-Fleuve, son premier voyage à Paris en 1957 – pas en auto, évidemment mais il y en avait de différentes marques là-bas, comme la puissante Simca « Grand Large ». Ce long parcours se poursuivit jusqu’au jour où, après bien des détours et des pannes, monsieur Godbout atteignit la consécration, les reconnaissances, les récompenses, et acquit enfin une Volvo, au tournant du nouveau millénaire. Par ailleurs, le cinéaste consacre également de brefs chapitres à ses premiers tournages pour l’ONF, entre autres ses longs métrages YUL 871 et IXE-13. On apprend aussi comment son documentaire Huit témoins (1964) avait été créé, dans le quartier Saint-Henri ; on reconnaît même les personnages du film dans la description qu’en fait Godbout, avant même de savoir qu’il tournerait avec eux.
C’est un plaisir de retrouver Jacques Godbout au sommet de sa forme dans son livre le plus léger, le plus décontracté, le plus concis. Les illustrations de Rémy Simard sont en outre très appropriées. À plusieurs endroits, Autos biographie réussit même à nous émouvoir, sans doute par la sensibilité de l’écrivain et sa fidélité dans ses amitiés, de Gérald Godin à Hubert Aquin. Dans le documentaire Alias Will James, Godbout s’étonnait qu’un cow-boy puisse délaisser ses vieux amis d’une ancienne ville sous le prétexte de s’en faire d’autres en déménageant dans une autre province. Toutefois, il est dommage que ce grand romancier, longtemps critique littéraire, traite si peu des lectures qui l’ont influencé ; on souhaiterait une autre autobiographie basée cette fois-ci sur les livres, à la place des autos Une livro-biographie, si l’on veut