L’intérêt de mettre en circulation un catalogue d’exposition comme celui de J’ai VU est qu’il permet de réfléchir sur les grandes questions soulevées par l’événement, longtemps après que les éléments qui le constituent se soient dispersés. Les éléments, ici, étaient des photographies, des portraits, plus précisément des autoportraits. Individuellement et collectivement, ils nous poussent à cerner cette notion de l’autoportrait qui abondait déjà chez les peintres et qui, actuellement, occupe une place importante dans la photographie dans différents pays du monde. Le Canada, la preuve est donnée ici, ne fait pas exception.
Un ensemble de textes présentés par André Gilbert qui dirige VU, Centre de diffusion et de production de la photographie, à Québec, animent le débat. Les auteurs sont les spécialistes en histoire de l’art, en psychanalyse, en anthropologie, en littérature que sont Martha Langford, Ellen Corin, Céline Mayrand, Simon Harel. Ce sont aussi, et c’est intéressant, des photographes : Michel Campeau et Janieta Eyre qui opinent « de l’intérieur » pourrait-on dire. Tout commence par la définition la plus simple de l’autoportrait : portrait d’un artiste exécuté par lui-même, pour en arriver à une conception plus large et aux spécificités de l’autoportrait photographique proprement dit. L’une de ces particularités est que, pour apparaître sur l’image, le sujet doit disparaître, à moins qu’il ait recours à un miroir, auquel cas il aurait fait l’image d’une image. D’où la question : la photographie est-elle miroir, un miroir qui aurait une mémoire, une mémoire qui nous parlerait du photographe, de qui il est ou souhaiterait être ? Intervient alors la notion d’identité. Est-il lui ou dit-il comme Rimbaud : « Je est un autre » ? Qu’est-ce qui pousse le photographe à vouloir se représenter, à se représenter à un moment précis, dans une situation précise ? Veut-il vaincre la temporalité, s’inscrire dans l’histoire de la photographie ? Que recherche-il ?
Le sujet, qui peut atteindre des dimensions phénoménales, ne saurait être contenu dans ce catalogue d’exposition. Celui-ci demeure toutefois un excellent point de départ pour qui souhaiterait se lancer dans le débat.