D’origine japonaise, Kazuo Ishiguro est considéré, depuis la parution du roman Les vestiges du jour qui lui a valu le prestigieux Man Booker Prize en 1989 et une reconnaissance mondiale avec l’adaptation cinématographique mettant en vedette Anthony Hopkins et Emma Thompson, comme l’une des grandes voix de la littérature britannique. Après avoir traduit avec une grande finesse l’atmosphère propre aux romans policiers anglais du début du XXe siècle dans son avant-dernier roman Quand nous étions orphelins, Ishiguro explore, avec Auprès de moi toujours, l’univers particulier d’un autre genre littéraire : la science-fiction.
À travers les souvenirs de Kath, qui s’apprête à débuter son tout dernier cycle de vie, le lecteur est lentement plongé dans les liens complexes qui l’ont unie à Ruth et Tommy, deux autres anciens de Hailsham. Mais quel type de collège privé complètement coupé du monde extérieur est cette institution ? Quelles sont les origines communes des trois amis ? Quels liens perdurent entre eux au-delà de l’amour et d’une amitié mêlée de rivalité ? Qui sont les gardiens de Hailsham ? Et quel rôle joue Madame ? Les œuvres artistiques des élèves, qu’elle collectionne, sont-elles vraiment exposées dans sa galerie ?
Déconcertant, Auprès de moi toujours garde néanmoins le lecteur captif. Cela tient sans doute à l’art subtil d’Ishiguro qui distille à très petites doses tout ce que cet univers issu de la manipulation génétique, qui pourrait bientôt ne plus être de la science-fiction, recèle d’étrange et d’horrible, au bout du compte. Des termes simples, usuels tels que accompagnant, possible, terminé, don qui, soudain, prennent un tout autre sens. Le regard presque enfantin que pose Kath sur des événements ou des conversations équivoques. Mais cela tient aussi aux grandes questions que soulèvent le destin et les personnages mêmes de Ruth, Tommy, Kath et les autres pensionnaires de Hailsham.
Tout comme l’extraordinaire Clara et la pénombrede l’Espagnol José Carlos Somoza, Auprès de moi toujours de Kazuo Ishiguro propose un univers insolite qui ne plaira peut-être pas à tous ceux qui ont aimé les œuvres précédentes de l’écrivain britannique. Il n’en reste pas moins que ce roman, finaliste au Man Booker Prize, s’inscrit comme un classique d’Ishiguro.