Au tombeau des secrets, titre emprunté à l’enseigne d’un écrivain public sous l’Ancien Régime, s’inspire de la thèse de doctorat (Université Laval, 1991) de l’historienne Christine Métayer, vice-doyenne de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Sherbrooke. Cet ouvrage savant, écrit dans une langue accessible, puise à de nombreuses sources documentaires pour dépeindre l’écrivain public dans le Paris de l’Ancien Régime. N’ayant pu accéder aux fonctions de maître écrivain, de clerc de procureur ou de clerc de notaire, il exerce ses activités dans la rue, à l’instar de la classe laborieuse des villes. Christine Métayer le montre à la jonction de deux univers : l’un, culturel, lié à l’histoire de l’écriture, l’écrivain public exerçant les rôles de confident, d’intercesseur, d’avocat, de faussaire même, au profit des petites gens majoritairement illettrés, à une époque où les exigences légales et administratives font du recours à l’écrit une nécessité ; l’autre, social, le « secrétaire des humbles » partageant étroitement l’espace physique et social de sa clientèle. Allant du métier au lieu de son exercice, Christine Métayer concentre son investigation sur le cimetière des Saints-Innocents, enceinte au cœur du quartier populaire le plus animé de Paris, à proximité du quartier des Halles. Le champ des morts s’avère un véritable milieu de vie, phénomène expliqué par « le droit de franchise et d’immunité dont jouissaient les lieux de sépultures au Moyen Âge ». Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’enceinte, étals, échoppes et boutiques de marchands, artisans, regrattiers et ouvriers côtoient les loges des gardiens et des fossoyeurs. En dépit des tentatives des autorités ecclésiastiques du XVIIe siècle pour rétablir le caractère sacré de la nécropole, la triple vocation religieuse, marchande et résidentielle du cimetière des Saints-Innocents perdure, jusqu’à sa suppression en 1785-1787 pour des motifs de salubrité. S’imbrique à l’analyse sociologique de ce milieu l’étude de la fonction qu’y exerce l’écrivain des charniers et celle de sa position sociale, illustrant en quelque sorte la contribution des écrivains publics à la société parisienne de l’Ancien Régime qui le considère pourtant comme un « intellectuel déclassé ».
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