Forgé sur le modèle d’« antiracisme », le mot est relativement jeune. La posture à laquelle il renvoie, en revanche, n’est pas neuve. Mouvement de libération des animaux, l’antispécisme tire ses origines de la fin du XIXe siècle.Ses origines : le pluriel est de mise, laisse entendre Jérôme Segal en parcourant l’histoire de cette prise de position contre la domination de l’homme sur les animaux sentients, c’est-à-dire capables d’éprouver des émotions et de ressentir la souffrance. Une histoire moins linéaire que ramassée en une nébuleuse de moments forts et de figures marquantes, dispersés dans l’espace – la France et le Royaume-Uni, surtout – et le temps.En plaçant le principe d’égalité au cœur de leur idéal, en faisant de l’éradication de l’exploitation leur cheval de bataille, les militants anarchistes et socialistes amorcent la prise de conscience animaliste. Puis l’idée migre, mute et prend différentes teintes selon les milieux où elle s’enracine. De la ligue antivivisectionniste française de 1882 au punk straight edge britannique du tournant des années 1980, en passant par les communautés anarcho-végétaliennes qui essaiment durant le XXe siècle, la généalogie à la carte que dévoile Animal radical aide à mieux comprendre les filiations d’idées et de pratiques entre l’animalisme d’hier et celui d’aujourd’hui.La sociologie annoncée en sous-titre tient elle aussi en quelques coups de sonde ciblés. D’Israël, on retient surtout que le veganwashing permet de détourner l’attention publique de la spoliation des communautés palestiniennes. Les promoteurs touristiques font en effet de Tel-Aviv un eldorado du véganisme, se gardant le scrupule de répandre que, si l’oppression animale est inacceptable, celle d’êtres humains reste négligeable.L’essayiste termine le tour d’horizon en force. Son analyse intersectionnelle dégage plusieurs parallèles rhétoriques entre spécisme, racisme et sexisme. L’animalisation des femmes, proies d’une masculinité carnassière, celle des Juifs, réduits par la Shoah à de vulgaires bestiaux abandonnés au sort des « chaînes de démontage », fournissent de douloureux cas de figure. Clair, instructif et accessible, Animal radicalprésente largement de quoi éclipser le mythe de la viande heureuse, et ce, sans le prosélytisme agressif d’abolitionnistes trop convaincus pour être convaincants.
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