Quel beau livre que cette chronique de la vie d’une aïeule racontée par un petit-fils de 58 ans ! Dans les années 1970, Lyman Ward, professeur d’histoire à la retraite frappé par la maladie, décide d’entreprendre la biographie de sa grand-mère, Susan Burling qui, en 1876, unira sa destinée à celle d’Oliver Ward, ingénieur et bâtisseur de l’Ouest sauvage, dont elle suivra les pérégrinations jusque dans les villages miniers peuplés de chercheurs d’or rustauds. Artiste raffinée jouissant d’une certaine renommée, Susan Burling Ward, pendant son long exil, restera cependant en contact avec sa grande amie – pour ne pas dire son âme sœur – Augusta Drake de même qu’avec son mari, Thomas Hudson, tandis qu’elle se collettera avec la rude école de la vie de pionnière.
C’est avec un souci du détail et une sensibilité remarquable que Wallace Stegner nous dresse le portrait d’une femme non moins remarquable dont les choix de vie l’ont contrainte à ne se réaliser qu’en partie et avec difficulté. À partir de la correspondance de sa grand-mère, Lyman Ward évoque les années de labeur que le couple de ses grands-parents vécut, à la dure, au milieu des paysages majestueux de l’Ouest américain. Par moments, on se croirait le spectateur suffoquant dans la poussière d’un western de notre enfance : « C’est alors qu’apparut là-haut, au détour de la courbe, une paire de chevaux lancés au galop, puis deux autres et deux autres encore, suivis enfin d’une diligence violemment bringuebalée. Le cerclage des roues produisant des gerbes d’étincelles sur la roche. Susan, horrifiée, se dit que les chevaux devaient être emballés. »
Un pavé de 700 pages sans longueurs dont les descriptions pittoresques charment et instruisent tout à la fois… Pas étonnant que Wallace Stegner ait reçu le Prix Pulitzer pour Angle of Repose dont les éditions Phébus nous offrent ici une très belle traduction.