Invoquer le sort pour faire durer un amour, porter une amulette pour attirer la chance ou se protéger des mauvais esprits, c’est monnaie courante dans toutes les sociétés, sous toutes les latitudes. Sauf que certaines s’en cachent, préférant se réfugier dans les analyses scientifiques et les explications cartésiennes. C’est toujours plus raisonnable et ça fait plus sérieux.
Il y a toujours des hommes (plus souvent que des femmes, faut le reconnaître !) perplexes qui invoqueront le savoir plutôt que la croyance, qui feront l’apologie de la modernité qui, comme chacun sait, passe par la pensée et l’intelligence rationnelles. Avec raillerie, ils rejetteront énergiquement ces mentalités pré-logiques qui admettent l’existence des djinns et reconnaissent le pouvoir miraculeux des sorciers. Pour ces sceptiques matérialistes, admettre ces sornettes, c’est déjà leur donner une certaine crédibilité, donc leur reconnaître des effets sur nos vies. Le monde est travaillé par la science et aussi par la magie, par tout ce que nous ne contrôlons pas Les gens croient que le monde est logique ? Les mêmes qui plus tôt vous défiaient avec leur discernement se rendront discrètement auprès d’un marabout et feront appel à l’irrationnel le plus aberrant pour résoudre leurs problèmes affectifs. Et vous savez quoi ? Grâce aux effluves d’encens, ça risque de fonctionner.
C’est de cela dont il s’agit dans cette série de nouvelles de Tahar Ben Jelloun : les hommes comme les femmes, au Maroc, et ailleurs, ont recours aux services de personnes en contact direct avec les forces obscures dont regorgent notre planète. Pour le meilleur et pour le pire. Après tout, qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui est faux ? Ce qui est avéré aujourd’hui était contestable hier.