On entre toujours à petits pas hésitants dans l’univers particulier de l’écrivaine Yoko Ogawa. Rapidement captivé, on se laisse toutefois entraîner sur ces sentiers littéraires denses et insolites. Amours en marge, paru au Japon en 1991 et publié l’an dernier en traduction française chez Actes Sud, ne fait pas exception.
Un matin, au réveil, la narratrice découvre qu’elle est devenue subitement sourde. Traitée en clinique, elle retrouve l’ouïe mais continue, par moments, d’éprouver d’étranges problèmes d’audition. Pourquoi soudain le moindre bruit de la vie courante résonne-t-il comme une salve de canon ? Pourquoi ces curieux phénomènes surviennent-ils chaque fois que son mari apparaît ou disparaît ? Cet étrange bourdonnement ne serait-il pas le son d’un violon ? Et le musée où est exposé le cornet acoustique de Beethoven existe-t-il vraiment ?
Seule, sans travail, la narratrice n’entretient de liens qu’avec son neveu Hiro et un sténographe rencontré lors d’une table ronde sur les maladies des oreilles organisée par un magazine portant sur la santé. Et si les médicaments arrivent à peine à la soulager, les doigts expérimentés et sensibles du sténographe, en transcrivant son récit, permettront à la jeune femme de retrouver les traces du passé et de libérer enfin la voix de la mémoire enfouie. « Tu t’es égarée dans les méandres de ta mémoire. En réalité, ta mémoire devrait s’entasser derrière toi. Mais par inadvertance, elle s’est frayé un chemin à travers tes oreilles et elle est passée devant toi. À moins que ce ne soit toi, au contraire, qui aies fait un pas en arrière. Je ne sais pas plus que toi ce qu’il en est en réalité, mais il ne faut pas t’inquiéter. Parce que ce n’est rien de plus qu’une légère distorsion entre toi et ta mémoire. »
Premier roman de Yoko Ogawa, Amours en marge invite à découvrir le reste de cette œuvre singulière qui tente de dire l’indicible et d’explorer les territoires de la mémoire.