Quel régal que ces Amours en fuite, titre sous lequel sont regroupées sept nouvelles fignolées avec brio par Bernhard Schlink, l’auteur du très acclamé roman Le liseur. Compte tenu de leur longueur substantielle, autant dire que chacune des nouvelles qui composent le recueil est un petit roman en soi. En d’autres termes, le nouvelliste a de la verve et du souffle. Son sens de l’intrigue lui vient-il du fait qu’il écrit aussi des romans policiers ? Toujours est-il qu’on ne s’ennuie jamais en sa compagnie.
On l’aura deviné : Amours en fuite traite d’amours fantasmées, avortées, ratées, trahies, voire impossibles ou du moins compliquées. Ici le mot amour, qui porte d’ailleurs la marque du pluriel, est à prendre au sens large puisqu’il englobe l’amour d’un personnage pour un tableau, les liens d’amitié, l’amour d’un père pour son fils, l’amour adultère et même la polygamie. Mais peu importent les rapports qui unissent les héros, le point central du recueil n’en demeure pas moins que l’amour fuit, s’enfuit et passe à côté de ceux qui découvrent toujours trop tard qu’ils ont mal aimé.
Le projet littéraire de Bernhard Schlink est réussi en tous points : non seulement l’ouvrage présente une unité thématique, mais les nouvelles sont diversifiées, captivantes et ancrées dans le réel. Déjà dans Le liseur on sentait chez l’auteur allemand une réflexion politique sur le lourd passé de son pays. De telles préoccupations se retrouvent dans Amours en fuite où la Deuxième Guerre mondiale, les relations Est-Ouest, la chute du Mur et la reconstruction de Berlin – la ville où habite l’écrivain – servent de toile de fond à plusieurs nouvelles. S’il fallait qualifier Amours en fuite, l’on pourrait dire que le livre est de ceux qui laissent une empreinte durable sur le lecteur.