Amour, sixième roman de la Norvégienne Hanne Ørstavik, deuxième titre traduit en français après le superbe La pasteure, aurait pu s’intituler Amours. Amour entre une mère, Vibeke, et son fils Jon, ou encore entre Vibeke et Tom, brève rencontre d’un soir. Autre amour, autre duo, entre ce même Tom et un inquiétant personnage que croisera éventuellement le petit Jon. Chassés-croisés dans une atmosphère quelque peu surréaliste.
D’une sobriété remarquable, Amour est fait de rencontres déçues et de vaines attentes, par une nuit froide et sans fin, dans le très grand nord norvégien. « Vibeke n’aime pas rouler en hiver. Ici, c’est tout le temps l’hiver. » Le petit Jon se promène dans le village, en rêvant à son neuvième anniversaire qu’il fêtera le lendemain, au gâteau que sa mère lui préparera et au cadeau qu’il est convaincu de recevoir : « Jon voudrait un train ». La mère, quant à elle, croit son fils au chaud à la maison : « […] il doit être occupé à quelque chose dans sa chambre ». Elle se rend alors à la bibliothèque, puis au cirque ambulant. « Les gens vont parler de la fête foraine demain, se dit Vibeke. C’est cela qu’ils appellent la culture. »
Le narrateur enchaîne les paragraphes et passe rapidement d’un personnage à l’autre ; parfois il s’agit de Vibeke, « elle », parfois de Jon, « il ». L’alternance des points de vue entre la mère et le fils, et l’unité de temps – une seule soirée – donnent une grande rigueur à ce récit déchirant.
Ørstavik suit les personnages en parallèle, heure après heure. Elle entremêle leurs voix et fait monter la tension à chaque page. Malentendus et quiproquos se multiplient. L’incommunicabilité puis la tristesse surviennent. « Tu sais aussi bien que moi qu’il n’existe pas de suite à quelque chose qui n’a même pas commencé. »
Amour parle de solitude, de quête amoureuse et de fausses perceptions qui parfois mènent au drame. Si le roman possède une certaine dimension féerique, il pousse pourtant le lecteur dans des zones troubles et ô combien inquiétantes. Magnifique récit.