« Sire, il y avait en 1830, et il y a encore aujourd’hui, trois hommes à la tête de la littérature française. Ces trois hommes sont : Victor Hugo, Lamartine et moi. »
Voilà comment Alexandre Dumas commence une lettre adressée à Napoléon III pour lui demander de renverser une décision du comité national de censure en 1864.
Certes, l’auteur pouvait s’enorgueillir du même souffle d’avoir « écrit et publié douze cents volumes ». Mais force est de constater, aujourd’hui, que la grande majorité de ces ouvrages sont tombés dans l’oubli. Le lecteur moyen citera de mémoire Les trois mousquetaires (1844), Le comte de Monte-Cristo (1846) et peut-être Le vicomte de Bragelonne (1848), auxquels il faudrait ajouter les premiers succès dramaturgiques, soit Henri III (1829), Christine (1830) et Antony (1831).
Dumas était à lui seul une véritable usine à écrire. « Pas à lui seul », rétorqueront les plus informés, sachant que pendant presque toute sa vie, l’auteur a profité des services de « nègres », des collaborateurs qui rédigeaient pour lui en fonction de ses indications, et dont il révisait ensuite les textes pour bien ficeler le récit. Mais il n’empêche que lui-même écrivait jour et nuit, car aux douze cents volumes cités plus haut, il faut ajouter les innombrables articles qu’il a écrits pour des périodiques, y compris des journaux qu’il fondait et dont il était le seul rédacteur (on ne parle pas ici des feuilletons qui seront publiés sous forme de livres par la suite, mais de récits de voyages, de critiques et de récits autobiographiques, entre autres). Et il ne faut pas oublier non plus les nombreuses pièces de théâtre auxquelles il a collaboré sans y mettre son nom, jugeant au début de sa carrière que son patronyme devait être réservé aux chefs-d’œuvre. En fait, ce travail de collaboration que l’on reproche périodiquement à Dumas était assez courant à l’époque.
Henri Troyat – lui-même très prolifique avec sa centaine de volumes publiés au bas mot, dont une trentaine de biographies – nous décrit ici la vie tumultueuse de ce dandy dans un style net et linéaire avec force détails, notamment sur les multiples maîtresses qui auront jalonné la vie de ce petit-fils d’une esclave de Saint-Domingue et fils d’un brillant général de l’armée napoléonienne, qui verra pendant la deuxième moitié de sa vie, non sans en prendre ombrage, son fils homonyme se tailler lui aussi une place dans le monde de la littérature, notamment avec La dame aux camélias.