Il était temps ! Enfin, une biographie fouillée, nuancée, inoxydable contraint le Québec et le Canada à regarder Adrien Arcand dans les yeux et à tirer de cet examen quelques doutes dérangeants. Grâce à Jean-François Nadeau, le fait s’impose : le nazisme québécois et canadien eut pignon sur rue et reçut un soutien limité, mais soutenu.
Le sous-titre choisi par Nadeau liquide un premier préjugé. Arcand y est qualifié, en effet, de führer canadien. Donc, non, le nazisme n’a pas été la tare d’une minuscule cellule de patriotards québécois. Sur cette lancée, Nadeau restitue à Arcand sa stature et sa longévité politique ; il le dégage du flou dont l’enveloppait le silence de nos historiens. Chez Arcand, pas de fibre nationaliste. Il est journaliste de métier, bilingue, catholique, partisan de l’Empire, déterminé à gagner à l’antisémitisme aussi bien Toronto ou New York que Montréal. Lorsqu’il crée à La Presse le premier syndicat de journalistes, la direction lui montre la porte. S’ensuit la création du Goglu (1929) dont l’existence est peut-être la facette la plus connue de cette carrière. Par la suite, ainsi que Nadeau le démontre lettres à l’appui, Arcand poursuit sa carrière de journaliste au sein de journaux à grand tirage et en discrète et parfaite osmose avec leur haute direction.
Pas question non plus d’une passade épidermique. Jusqu’à sa mort (1967) ou presque, Arcand demeure actif, influent, sollicité. Il fabule sur le nombre de ses fidèles, mais il n’est jamais à court d’auditoires. Seule éclipse, la détention que lui vaut pendant la guerre sa sympathie pour l’Allemagne nazie. Aussitôt libéré, Arcand réaffirme ses convictions de toujours. Il posera même sa candidature dans deux élections fédérales : en 1949, dans Richelieu-Verchères ; en 1953, dans Berthier-Maskinongé-Lanaudière. Dans les deux cas, il se classe deuxième.
Le verdict de Nadeau met fin à un pudique silence de notre histoire : « Que le fascisme au Canada ait connu une sorte de pinacle avec Arcand ne fait aucun doute0». Et comment ne pas admettre, comme lui, qu’il ne s’agissait pas d’un feu de paille ?
En quelques courtes années, Nadeau aura donc rédigé trois biographies aussi nécessaires que solidement construites : celles de Pierre Bourgault, de Robert Rumilly et d’Adrien Arcand. Chapeau !