On ignore qui est Yasmina Khadra, mais on sait qu’il est Algérien et qu’il écrit sous un pseudonyme féminin depuis 1997. Auteur de trois polars et du roman Les agneaux du Seigneur, il continue avec À quoi rêvent les loups de décrire l’Algérie d’aujourd’hui. Ce roman, écrit de l’intérieur, remonte le temps pour qu’on puisse saisir comment un pays bascule dans l’horreur. On imagine cet homme les mains nues, mais attention : son écriture est aussi puissante qu’une arme.
« Je voulais être acteur jusque sur mon lit de mort, me tailler une légende plus grande que ma démesure, postuler aux privilèges des dieux, sinon comment devais-je interpréter que la nature m’ait fait beau et sain comme une divinité. » Oh ! Nafa aura bien un petit rôle, mais au début des années 1990, les productions cinématographiques se font rares à Alger. Il devient donc chauffeur pour une famille riche. La mort d’une jeune prostituée réquisitionnée par un des fils précipite sa sortie. De peur d’être accusé du meurtre, Nafa se terre dans la Casbah. Il renoue avec son rêve en donnant son argent et son passeport à un acteur qui lui promet des rôles à l’étranger. L’arnaque condamne Nafa à rester à Alger. À partir de là, sa vie déboule. Rêveur éconduit parmi tant d’autres, il devient membre actif du Mouvement islamiste armé. Le sentiment d’importance qu’il y trouve est illusoire. « Sa docilité devenait son unique salut. Il ne devait ni se montrer trop laborieux, ni trop distrait. Juste obéissant. Tel un automate. Répondre quand on le siffle. Parler quand on le lui demande. »
Espérons que Yasmina Khadra survivra. Grâce à ses livres, impossible d’oublier que les tueurs d’aujourd’hui rêvaient peut-être de devenir acteurs. Tant de rêves sont interdits. D’où peut-être ce besoin de vengeance si fort qu’il range les plus avides du côté des criminels.