Suzanne Lamarre présente ici son premier recueil de haïkus. Avec un titre aussi savoureux, À pieds joints dans les flaques, ce livre semble promettre un grand plaisir. De plus, il s’amorce avec une magnifique citation de Félix Leclerc : « Il faut savoir tremper sa plume dans le bleu du ciel ». On se serait attendu à ce que l’auteure nous livre une poésie inspirée, mais on n’y est pas tout à fait, le bleu du ciel bave un peu au pourtour de la toile.
Certains poèmes, particulièrement réussis, saisissent une étincelle poétique suspendue dans le temps. Ils se distinguent des autres, telles des miniatures créées par un peintre qui aborderait la vie avec un regard attentif aux petits détails du quotidien. Alors, le bonheur du lecteur s’installe. Bravo pour le haïku qui me fait sourciller, ou qui engage un voyage entre les mots imprimés et l’image suscitée : « [S]oleil du midi / l’écureuil assis à l’ombre / de sa queue » ou « [P]etite brise / le soleil en mille morceaux / sur la mer ». Ici, si on se laisse prendre, on parcourt des yeux les mille morceaux de soleil sur la mer et on revient au texte. Autre part, la douceur est chuchotée avec précision : « [R]oute 138 / dans une courbe prononcée / une simple croix blanche ». Ce poème écrit simplement sous-tend un grave vécu. Il frappe redoutablement, témoin d’un souvenir collectif.
Pourtant ailleurs on cherche le sens. Le haïku ne suscite ni paix, ni curiosité, ni image, ni constat. Il se fait verbeux, truffé de mots inutiles qui traînent la patte, qui empêchent de savourer la poésie, pourtant obstinément présente dans le texte. Travail inachevé ?
À pieds joints dans les flaques est un livre inégal, où règnent parfois l’esprit et les règles traditionnelles du haïku, parfois beaucoup moins. Ne faut-il pas passer maître dans un art avant de le déconstruire ? Ce recueil, bien qu’il soit un bel objet au titre si juste, devient un peu frustrant à lire. Et, pire, il nous fait tomber dans l’indifférence la plus totale. Un bon livre de poésie donne le goût d’y revenir, mais celui-ci ne suscite pas ce besoin. Curieuse de lire le prochain, juste pour voir.