Il est peuplé le monde de l’enfance de Seyhmus Dagtekin. Il y a même des djinns. Il est doux comme de la poésie l’univers de son village adossé à la montagne. Il est beau comme les paysages idylliques de l’enfance achevée. Et en plus, il sent bon le bois dont on charge les bêtes pour le vendre en ville et suave comme le raisin, le tabac, les bonnes chères.
Le livre de cet auteur originaire d’un hameau du sud-est de la Turquie est un hymne lyrique aux éléments de la vie. Pour l’enfant, tout est matière à ravissements et l’immensité du plateau anatolien est un terrain de jeux, d’explorations et d’observations à satiété. La nature est centrale dans son univers, bien entendu avec toute la cohorte des animaux, le loup, la chèvre, et avec la lune, les sources, les découvertes à y faire. Et le vent. Fabuleux élément qui rapporte aux alentours les faits et les gestes des gens et les paroles pleines de sagesse des grands.
Car, il y a le contact avec les grands. Les grands disent et eux ils ont toujours raison. Oui, les grands savent les imprécations et les prières de conjuration. En plus, ils interprètent les signes. Car les monstres rôdent dans cet univers parcouru d’animaux fabuleux, comme les grosses tortues.
Comment expliquer qu’une fois refermé, le livre continue de ravir ? Il y a une douceur qui se dégage des pages, certainement celle des allégories. On y ressent de l’espace aussi, une impression sans doute due à l’effet panoramique de la beauté des grandes étendues anatoliennes.
En fait, l’auteur d’origine kurde nous offre un long poème. Comment croire que, jusqu’à l’âge de 22 ans, Seyhmus Dagtekin ne parlait pas un mot de français. Il s’est rattrapé depuis, lui qui a obtenu le Prix international de la poésie francophone Yvan-Goll. Et déjà dans Couleurs démêlées du ciel, un précédent ouvrage, l’auteur disait que la poésie consiste à embrasser l’être d’un même regard, du plus petit au plus grand, pour instaurer une autre façon d’être ensemble.
Entrons dans ce monde où chacune, chacun trouve sa place.