Même si les médias ont raconté le combat mené par l’Ontario français pour que l’hôpital Montfort continue à offrir sa gamme complète de services à la région d’Ottawa-Carleton, l’analyse que fait Roger Bernard des enjeux de cette saga est d’un autre ordre. Nul mieux que lui ne pouvait faire comprendre qu’un hôpital n’est pas qu’un hôpital, qu’un établissement unique comme Montfort contribue à la culture, que la sécurité et l’épanouissement d’une collectivité linguistiquement et culturellement différente requièrent un décor social et non seulement des droits théoriques.
Sociologue pénétrant et puissamment rebelle à toutes les formes de complaisance ou de langue de bois, Roger Bernard ausculte depuis une bonne dizaine d’années l’Ontario français et en révèle avec une constante lucidité l’érosion et les possibilités. Il était inévitable que l’effort d’homogénéisation lancé contre l’hôpital Montfort le trouve sur les barricades. Il est symbolique que son décès soit survenu en juillet 2000, la veille du jour où le gouvernement ontarien portait en appel un premier jugement favorable à Montfort. Bernard avait quand même eu le temps de lire, sous la plume du tribunal de première instance, des propos en intime accord avec son plai-doyer : « Le témoignage du Dr Bernard établit que, dans un milieu bilingue, le français est condamné à devenir la deuxième langue des Franco-Ontariens ».