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Auteur/autrice : Denis Landry
Tout est à faire avant de défaire le meilleur des mondes
Il faut collectionner les pierres qu’on vous jette.
C’est le début d’un piédestal.
Hector BerliozVoici venir la fin. Pour l’instant. C’est la mienne. C’est la tienne. Surtout celle de l’Autre, cette persistante présence qui pèse sur les réalités, cet instant conquérant de l’éternité relative dans laquelle toute civilisation s’enlise avant de s’évaporer. Parfois quelques valeurs essentielles et naturelles s’évadent, s’élèvent et contaminent certaines cervelles géniales en équilibre . . .
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À la rencontre d’Hélène Bessette
De 1953 à 1973, Hélène Bessette a publié treize romans chez Gallimard. Récompensée par le prix Cazes en 1954 pour Lili pleure, nommée sur la liste du prix Goncourt en 1955, puis en 1963, pour respectivement Vingt minutes de silence et N’avez-vous pas froid, soutenue par des écrivains et artistes renommés, elle ne rencontre pas son lectorat : les innovations et audaces de ses « romans poétiques » déconcertent.
Ses livres se vendant à très peu d’exemplaires, Gallimard refuse ses manuscrits après . . .
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Emma Haché ou le paradoxe de la dramaturgie acadienne
Née à la fin des années 1970, Emma Haché est originaire de Lamèque, au Nouveau-Brunswick. Après des études en art dramatique à l’Université de Moncton, elle s’installe à Montréal et y vit pendant une dizaine d’années. Elle y suit des formations à l’École de mime corporel ainsi qu’au Centre de création scénique. Comme dramaturge, elle a collaboré avec de nombreux théâtres francophones au Canada. En 2019, elle fonde le Théâtre Vent debout, dont elle est la directrice artistique.
Depuis la parution de L’intimité
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L’onde inversée (extrait)
Tu rentres chez toi
aveuglé
par des feux
qu’on ne sait plus apaiser
Tu ouvres tous les écrans
Les désirs réfractés
déferlent en boucle
Tu grattes sans cesse
la gale de la rumeur
la croire vraie à forceTu tombes amoureux
comme on se lance en affaires
Tu méprises l’extrémité des âges
leurs regards sur toi
insupportables d’autorité
autant les nier, l’un et l’autre
Sans mémoire, ni lendemain
S’extraire du nombre
et dire pourtant
le NOUS tonitruant de la défaiteC’est du connu
l’agitation cr . . .Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ? Connexion
Traduire le désert. Entretien avec Agnès André
Lors d’un périple à pied au Nouveau-Mexique, Agnès André découvre Ellen Meloy, cette autrice de l’Utah qui sait exprimer avec tant de sensibilité son amour du désert américain. C’est un coup de cœur : il faut qu’elle la traduise. Après la parution de C’est d’ici que nous observons d’autres villes croître à en perdre la raison, Nuit blanche rencontre la traductrice.
François Lavallée : Qu’est-ce qui vous a amenée à traduire Ellen Meloy ?
Agnès . . .
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Jonathan Roy. Entre la finesse de la mer et la puissance du grain de sable
C’est à l’automne 2012, lors d’une soirée de lectures organisée par le Département d’études françaises de l’Université de Moncton, que j’ai découvert la poésie de Jonathan Roy. Il était encore étudiant à la maîtrise et son premier recueil venait de paraître.
La carrière de celui qui dirige maintenant le Festival acadien de poésie a depuis pris son envol. En plus d’avoir publié son deuxième livre en 2019 et reçu de multiples prix et distinctions, il a participé à divers projets individuels ou . . .
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Primo Levi : l’homme intranquille
Dans Les naufragés et les rescapés, son dernier livre, Primo Levi rappelle un fait de la plus haute importance pour appréhender, si tant est que faire se peut, la Shoah. Des deux côtés, celui des victimes et celui des oppresseurs, souligne-t-il avec force, il y avait une conscience vive de l’énormité de ce qui se passait dans les Lager1.
On dit souvent que la réalité dépasse la fiction et que celle-ci est un mensonge qui dit la v . . .
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Judith Chavanne. Aller au-devant du monde
Née en 1967, Judith Chavanne vit à Jouy-le-Moutier, une commune française de 16 000 habitants située dans le département du Val-d’Oise. Poète discrète, elle a publié dix livres remarquables. Son premier recueil, Entre le silence et l’arbre (Gallimard, 1997), a reçu le prix Louise-Labé et le Prix de la vocation. Elle vient tout juste de faire paraître Peut-être des lis (Le bois d’Orion, 2022).
J’ai lu tous ses livres. Chaque fois, j’apprends à vivre.
Tout un art po . . .
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Pierre Lemaitre. De ce polar à cette saga, 40 ans vous contemplent
Pierre Lemaitre fait cadeau à ses fans de deux œuvres écrites à près de quatre décennies de distance.
Le grand monde1, son dernier-né, est une saga familiale qui promène le lecteur de Beyrouth à Paris et à Saigon, à l’époque où l’empire français d’Orient jette ses derniers feux.
Nous sommes en 1948. Le couple Pelletier, établi au Liban, a quatre enfants. Le père a fait fortune dans la savonnerie et n’en est pas peu fier. Il aurait bien voulu léguer l’affaire à son aîné, Jean dit . . .
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Catherine Voyer-Léger. De mères en filles, trois générations
Chez Catherine Voyer-Léger, il y a d’abord Elle, sa mère toute-puissante, mais tellement démunie, puis Elle, sa fille tellement démunie, mais toute-puissante. Dans deux œuvres récentes, l’autrice raconte ces trois générations de femmes dont les relations se vivent autant dans l’interdépendance (Nouées1) que dans la mobilité (Mouvements2).
« Un appartement frappé par une tornade. Une tornade de 15 mois. Une tornade châtain avec un regard foncé comme ces ombres d’été creusées d’un trop-plein . . .
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Mathieu Bélisle : Ce qui meurt en nous
Le titre du dernier ouvrage de Mathieu Bélisle est sans équivoque, comme l’était celui de l’un de ses essais précédents, Bienvenue au pays de la vie ordinaire. L’auteur pose ici un regard juste et sensible sur la pandémie que nous venons de traverser, nous invitant par le fait même à en faire autant.
À peine après avoir terminé la lecture de Ce qui meurt en nous1, je repense à une entrevue qu’avait accordée, il y a de cela quelques années, Fred Vargas . . .
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Etty Hillesum, voix dans la nuit et foi en l’humanité
Hasard troublant, synchronicité préoccupante, les voix d’autrices disparues, dont Etty Hillesum et Edith Bruck, toutes deux déportées avec leur famille vers les camps d’extermination, viennent nous rappeler que ce que l’on croyait à jamais éradiqué peut ressurgir à tout moment.
Extraite du Journal d’Etty Hillesum, jeune intellectuelle née dans une famille juive à Amsterdam, l’adaptation théâtrale, Etty Hillesum, voix dans la nuit1, comporte trois actes. Trois mouvements . . .
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Lettres à de jeunes poètes. La sagesse épistolaire de Rainer Maria Rilke
S’il a échangé des lettres avec la crème des écrivains et artistes de son temps (pensons à Lou Andreas-Salomé, Balthus, Gide, Hofmannsthal, Catherine Pozzi, Rodin, sans oublier sa « correspondance à trois » avec Tsvetaïeva et Pasternak), c’est surtout dans le courrier adressé à des destinataires plus obscurs que Rilke s’est imposé comme un épistolier de génie.
Ses lettres abordent constamment la question d’un art de vivre. Pour lui, la pratique épistolaire représentait moins « de l’écriture » que « de la respiration par la plume1 ».
Lettres à Franz Xaver Kappus
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Nuit blanche
Écoutez ici ce texte lu par Daniel Luttringer.
La nuit vient de tomber, et avec elle les sirènes. Pour combien de temps ? Dans la pièce à côté, Anna et Yuri se sont enfin endormis, enlacés, entourés de leurs peluches. Nous avons une fois de plus relu Conte sur Maïdan. Ils me le réclament chaque soir, en espérant que leur père sera là à leur réveil. Pourquoi est-il parti ? Pourquoi bombarde-t-on leur ville, jour après jour, soir après soir, nuit après nuit ? Qu’ont-ils fait de mal ? « C’est quoi le front, maman ? », me demande Yuri.
Pour nous protéger des éclats de fer et de verre, j’ai empilé les livres devant la fenêtre. Je peux ainsi lire sans crainte de révéler notre présence. Toutes les ouvertures sont murées en équilibre précaire, comme le sont nos vies en ce moment. Aux quatre coins de la ville, nos soldats érigent des barricades avec des sacs de sable. Ils enveloppent nos statues, nos sculptures, les parois de nos églises pour préserver notre mémoire. L’oubli est encore pire que la mort. Nous, ce sont nos livres qui nous protègent, qui nous rappellent que le monde extérieur n’est pas que cendres et destruction. Ils m’aideront une fois de plus à atteindre l’aube, à ne pas perdre espoir.
Je ne sais pas ce que serait ma vie sans les livres. Quand les enfants dorment, je relis Irène Némirovsky et pleure en silence. Ne parviendrons-nous jamais à éradiquer le mal ?
Les sirènes se font à nouveau entendre. J’ai si peur. Puissent les livres nous protéger encore cette nuit. Puisse Andreï être bientôt de retour auprès de nous. Ne nous oublie pas, Marie-Ève, ne nous oublie pas.
Ton amie, Lena
Khrystyna Lukashchuk, Conte sur Maïdan, Bleu & Jaune, 2016.
Irène Némirovsky, Suite française, Gallimard, 2004.Raymond Guy LeBlanc. Le poète de Cri de terre
Il est des livres qui marquent leur époque, traçant une ligne temporelle entre le passé et l’avenir. Des livres qui deviennent le symbole du changement qu’ils ont incarné. Cri de terre de Raymond Guy LeBlanc (24 janvier 1945 – 28 octobre 2021) est un de ceux-là pour l’Acadie.
En 1972, l’Acadie vit une effervescence culturelle, sociale et politique qu’elle n’avait jamais connue. Bien sûr, ce mouvement n’est pas né du jour au lendemain. Durant les années 1960, la société acadienne et néo-brunswickoise se . . .
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Le doux danger de J.D. Kurtness
Du roman noir (De vengeance) au récit d’anticipation (Aquariums), J.D. Kurtness promène un œil acéré sur le monde. Nous l’avons rencontrée à Moncton dans le cadre de l’édition 2022 du Festival Frye1.
Patrick Bergeron : On a dit de vous que vous écriviez des « romans glauques2 ». Êtes-vous d’accord avec cette façon de présenter vos livres ?
J.D. Kurtness : C’est un peu réducteur. Oui, il y a des aspects glauques, mais ce n’est . . .
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L’Écrou. Quelque chose qui ne s’éteint pas*
En 2009, une maison d’édition qui carburait à la scène et à l’énergie vive apparaissait dans le paysage littéraire québécois. Née de l’admiration mutuelle que se portaient Carl Bessette et Jean-Sébastien Larouche, figures importantes des micros ouverts, l’Écrou aura transformé le visage de la poésie au Québec.
En un peu plus de dix ans, une quarantaine de livres publiés, et en faisant une place importante aux poètes émergent(e)s, la maison a réussi son pari et brassé la cage du milieu littéraire . . .
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Anna Langfus : du ghetto au Goncourt
Le 18 mai 1946, Anna Langfus, née Anna Régina Szternfinkiel le 2 janvier 1920 à Lublin, arrive seule à Paris. Elle laisse derrière elle sa Pologne natale, où son père, sa mère et son mari sont morts, assassinés par les nazis. La rencontre avec l’écriture se fera d’abord par le truchement du théâtre. Elle meurt vingt ans plus tard, laissant derrière elle trois romans publiés par Gallimard, dont Les bagages de sable, prix Goncourt 1962.
Fille unique choyée par ses parents et sa « nounou », Anna Langfus . . .
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Un premier festival des arts littéraires à Gatineau
Du 27 au 30 octobre 2021, artistes, diffuseurs, maisons de production et organismes subventionnaires se réunissaient pour mettre à nu cet ensemble hétéroclite et multidisciplinaire que constituent les arts littéraires. Ces Troisièmes rencontres Arts littéraires, comme leur nom l’indique, répondaient à deux autres rassemblements ayant eu lieu en 2019 et en 2020 grâce auxquels la définition des arts littéraires n’est plus à faire. Ces derniers connaissent désormais une expansion pluridisciplinaire riche qui a permis l’organisation du tout premier Festival des arts littéraires de l’Outaouais en même temps que les Troisièmes rencontres. La fin du mois d’octobre a été l’occasion d’une représentation concrète des diverses pratiques avec des performances et des expositions quotidiennes qui ont pu tracer un lien entre le milieu artistique et son public.
Ainsi, dès le premier jour, la sortie de laboratoire de Faunes, un projet de Christian Quesnel et Mishka Lavigne, décloisonnait le travail artistique. C’est que les arts littéraires s’emploient souvent à briser les rapports traditionnels entre une œuvre et son destinataire. Cet aveu des paliers intermédiaires propose de voir la création comme un processus sur lequel on peut ouvrir une fenêtre à différents moments, plutôt que comme une magie secrète de laquelle découlerait nécessairement un produit fini et figé. Après son spectacle La ruée vers l’autre, la conteuse Mafane affirmait que sa performance se transformait d’une itération à l’autre, dans un mouvement de va-et-vient avec son auditoire, contrairement au livre ou à la baladodiffusion des mêmes contes qui proposent des expériences différentes, adaptées aux contraintes et aux possibilités de leurs médiums respectifs. En personne, c’est d’abord la maîtrise des silences qui frappe chez Mafane, ainsi que le rythme de ses gestes capables de compléter les paroles qu’elle laisse en suspens.
L’expérience sonore occupe en effet une grande place dans les arts littéraires. Les deux spectacles du vendredi, bien que très différents dans leurs structures, leurs thèmes et leurs ambiances, reposent en très grande partie (voire entièrement) sur une composition de bruits, de musiques et de voix. Prendre pays, une baladodiffusion qui explore l’exil, le retour, et les multiples rapports possibles avec le territoire, prenait la forme d’une boîte vocale qui égrène ses messages comme autant de déclarations d’amour au pays qui nous habite. Juste après la diffusion du balado, Annie Lafleur transformait complètement l’espace avec sa performance, Cigüe. À sa voix capable de retenir l’attention entre les griffes de chaque mot s’est mêlée la musique de thisquietarmy et ses vibrations entêtantes. L’œuvre, ici inspirée d’un recueil de poésie d’Annie Lafleur, a fait la démonstration des innovations possibles quand la littérature se libère de son habit de papier.
Le dernier spectacle du Festival, D’ici et d’ailleurs, s’est rapproché du public, non en tant que masse spectatrice, mais en tant que collectivité, invitant chacun et chacune à participer par la danse et le chant. La démarche de Gabriel Osson a pu rappeler celle de plusieurs chanteurs, chanteuses et groupes de musique, si ce n’est que son œuvre reposait d’abord sur la poésie, avant d’intégrer la musique et les images. Encore une fois, la manifestation artistique s’est appuyée sur la création d’une ambiance, comme pour constituer une œuvre à taille humaine, dans l’objectif avoué de rendre la poésie plus accessible.
La lecture, son immobilité silencieuse, ne semble plus que la lointaine parente de la multiplicité d’expériences sonores, visuelles ou kinesthésiques des arts littéraires. Toutes leurs possibilités n’ont pas pu être contenues dans les locaux des Troisièmes rencontres et l’œuvre d’Antoine Côté-Legault et de Michel Laforge, Histoire en flammes, a conquis le centre-ville, incitant à la sortie et au mouvement. Au carrefour du balado, du récit historique et de la marche guidée, Histoire en flammes invitait son public à se déplacer entre les bâtiments historiques du Vieux-Hull, tout en habillant le décor d’une ambiance sonore destinée à favoriser une pleine immersion dans le récit des incendies du passé.
Loin d’être un événement distinct, le Festival a cohabité avec les Troisièmes rencontres de manière à nouer solidement la théorie et la pratique. Les discussions se sont donc interrompues momentanément pour favoriser la participation de chacun(e) à Particules, une activité artistique virtuelle collaborative. Une dernière œuvre, Chœurs, était exposée dans le foyer menant à la salle de rencontre, de sorte que chaque débat, chaque conférence, chaque dialogue était précédé par le passage de toutes et tous au cœur de l’installation sonore et visuelle.
Par son omniprésence et sa grande diversité, le Festival des arts littéraires a donné le ton à cette troisième édition d’un rassemblement devenu nécessaire à la coordination et à la structuration du milieu, en plus de favoriser un réseautage précieux dans le cadre de pratiques pluridisciplinaires. Témoignage d’une volonté de tisser des alliances et de forger de nouvelles expertises, les Troisièmes rencontres Arts littéraires ont été bonifiées par la présence d’un public curieux, avide de découvertes nouvelles. Le jumelage de l’événement à la diffusion d’œuvres peut certainement être compté comme un bon coup, et peut-être le début d’une tradition qui continuera de solidifier la présence des arts littéraires dans l’Outaouais.
Petit répertoire des arts littéraires
Les Troisièmes rencontres Arts littéraires ont été l’occasion de réunir des artistes avec divers organismes de production et de diffusion. Certains montrent un intérêt grandissant pour les pratiques en arts littéraires, d’autres en ont fait le cœur de leur activité. Tour d’horizon de ces organismes qui s’impliquent dans le secteur à l’intention de toutes celles et tous ceux qui désirent développer leur réseau.
AAOF – Association des auteures et auteurs de l’Ontario français (Ottawa)
Soutien aux auteurs et auteures de l’Ontario français, réseautage et collaboration, promotion du talent de ses membres en Ontario, au Canada et au-delà.
aaof.caAssociation des auteurs et auteures de l’Outaouais (Gatineau)
Soutien aux auteurs et auteures de l’Outaouais, réseautage entre ses membres et les organismes importants du milieu littéraire, promotion des œuvres de ses membres.
auteures-auteurs-outaouais.orgCarrefour de la littérature, des arts et de la culture (Mont-Joli)
Promotion des secteurs artistiques et littéraires en tant que créateur, producteur et diffuseur, sensibilisation du public, offre de séminaires, d’ateliers et de projets en arts littéraires.
clac-mitis.orgCONTOURS (Québec)
Production et diffusion d’initiatives artistiques et poétiques dans une perspective pluridisciplinaire.
contourspoesie.comCorporation du Salon du livre de l’Outaouais – Maison des arts littéraires (Gatineau)
Promotion de la littérature de langue française de l’Outaouais, du Canada et du monde à travers le troisième salon du livre en importance au Québec, diffusion de projets artistiques avec la Maison des arts littéraires durant toute l’année.
slo.qc.caInstitut canadien de Québec – Maison de la littérature (Québec)
Promotion de la culture, de la littérature et des arts littéraires, organisation du festival Québec en toutes lettres.
maisondelalitterature.qc.caFestival Frye (Moncton)
Célébration bilingue des livres, des idées et de l’imagination, organisation du plus important festival littéraire au Canada atlantique en avril.
frye.caFestival international de la littérature (Montréal)
Production et diffusion d’un festival littéraire annuel, organisation de tournées et de spectacles au Québec, au Canada et à l’étranger.
www.festival-fil.qc.caLa poésie partout (Montréal)
Maintien d’un calendrier de la poésie, organisation de la Journée du poème à porter, promotion et diffusion de projets poétiques diversifiés.
lapoesiepartout.comL’Exil (Rimouski)
Création et production d’œuvres théâtrales et de spectacles littéraires, diffusion de la littérature par le biais des arts de la scène.
https://m.facebook.com/lexil2021Littérature québécoise mobile (Montréal et Québec)
Recherche et approfondissement d’un savoir-faire et d’une prise en charge des outils numériques, étude de leurs effets sur les pratiques de l’écrit et de la lecture, soutien et participation au virage numérique du milieu littéraire.
lqm.uqam.caMaison de la poésie de Montréal – Festival de la poésie de Montréal
Création, production et diffusion d’activités poétiques pour promouvoir la poésie du Québec à l’intérieur et à l’extérieur de la province, organisation du Festival de la poésie de Montréal, son activité phare.
festivaldelapoesiedemontreal.comPôles magnétiques, art et culture (Sainte-Pétronille)
Consultation spécialisée dans la gestion, la production et la programmation en arts et en culture.
facebook.com/PolesMagnetiquesRAPAIL – Réseau des arts de la parole et des arts et initiatives littéraires
Fédération de ses membres à travers un réseau d’échanges, de collaborations artistiques et d’actions collectives.
https://www.rapail.caRhizome (Québec)
Production de projets interdisciplinaires en arts littéraires, accompagnement des auteurs et autrices dans la transformation de leurs œuvres littéraires.
https://www.productionsrhizome.org/frTransistor Média (Gatineau)
Production de baladodiffusions et d’événements pour promouvoir la radio et les arts numériques.
https://transistor.mediaLoin d’être exhaustive, cette liste se limite aux organismes présents durant les Troisièmes rencontres afin d’esquisser un portrait de l’activité artistique et littéraire de la région, du Québec et du Canada francophone. Le Réseau des arts de la parole et des arts et initiatives littéraires (RAPAIL) présente un catalogue plus vaste sur son site Web afin de favoriser les rencontres entre les artistes, les producteurs et les diffuseurs.
https://www.rapail.ca/membres/La poésie et les arts littéraires bien vivants en Outaouais
Sans doute les Premières Nations qui habitent le territoire de l’Outaouais depuis des millénaires avaient leurs récits poétiques. Et, dès le XVIIe siècle, les rivières de l’Outaouais, servant de voie aux explorateurs, coureurs de bois et draveurs, ont retenti des chants des pagayeurs.
Notre propos, ici, se veut d’abord un survol de l’écriture poétique qui se manifeste par la publication, principalement à partir du milieu du XXe siècle. S’y joindra un témoignage des explorations scéniques des arts littéraires qui habitent les scènes depuis les dernières décennies.
Pendant la période de 1900 à 1950, on note une activité littéraire intense dans la région Hull-Ottawa, révélée par la publication de 42 œuvres de poésie1. L’œuvre majeure de cette période est sans aucun doute celle d’Antonio Desjardins. L’éditeur et auteur André Couture nous a fait connaître cette œuvre dans l’ouvrage Les doux fantômes d’un grand regret. La vie et l’œuvre d’Antonio Desjardins (1894-1953). Rare auteur d’avant-garde pour son époque et son milieu, il innove par la forme et la présentation de ses poèmes : lecture de bas en haut, calligrammes et invention de mots aux sonorités étrangères (Tsing tsing tsing, Lahilo Lahilo, etc.). Son œuvre est constituée du recueil Crépuscules, publié en 1924, et d’un inédit, Walt Whitman. Dans la préface de l’ouvrage de Couture, André Gaulin écrit au sujet du recueil Crépuscules : « Depuis Nelligan, rarement la poésie québécoise n’avait atteint une telle musicalité, un pareil jeu de la couleur, une telle attention affirmée au ‘je’ qui écrit ».
Bref extrait du recueil Crépuscules :
Au fil du soir
Les camées pâles de ses jeux d’ombres
Où l’on croit voirUne tête s’effacer et dont les yeux seraient
Les doux fantômes
D’un grand regret2Rappelons aussi de cette période les noms de Jeannine Bélanger, Jeanne-Louise Branda et Clara Lanctôt, parmi les femmes poètes d’avant 1950.
Pendant quelques décennies, la poésie se fait discrète en Outaouais. Retenons cependant Mémoires pour l’exil des souvenances d’André Couture (1967). Ce dernier fonde les éditions Asticou, en 1975, et, dans sa collection « Poètes de l’Outaouais », publie de 1976 à 1981 les poètes Serge Dion, Madeleine Leblanc, Jacques Michaud, André Duhaime, Stéphane-Albert Boulais, Aline Giroux et Mireille Vallée. Dans une analyse de l’ensemble des titres publiés, Jacques Michaud relève les thèmes communs suivants : « L’amour, partout et jamais pareil ; Du côté de l’infini ; Retrouver la mère et continuer le fils ; Il faut déjà habiter le pays ; L’Outaouais qui cherche à se dire3 ». De ces poètes, deux œuvres poétiques retiennent l’attention, celle d’André Duhaime et celle de Serge Dion (1954-2013).
André Duhaime est un pionnier du haïku au Québec et par son écriture, et par ses initiatives pour encourager cette forme d’écriture. Dès 1981, il publie le premier de plusieurs recueils de haïkus, puis en 1990 un recueil de tankas. Ses poèmes seront traduits en plusieurs langues, reproduits en divers manuels scolaires et adaptés au théâtre. La direction d’anthologies et de collectifs le fait sortir de l’écriture solitaire et l’amène à stimuler les gens à écrire et à les encourager à publier.
Serge Dion a publié trois recueils aux éditions Asticou, de 1976 à 1980 : Mon pays a la chaleur et l’hiver faciles ; Décors d’amour, précédé de Aubes mortes ; Océane ou les Asperges du matin ; et des textes dans divers collectifs. Il est aussi à retenir pour son apport majeur au développement des institutions littéraires en Outaouais. D’abord, en 1978, un important récital de poésie accompagné d’un cahier-souvenir regroupant les textes récités, La nuit des fous, marque le regroupement des écrivains et écrivaines de l’Outaouais et leur volonté de dire la poésie.
Je veux remonter le mot
jusqu’à ses sources embryonnaires
Connaître le son impromptu
de son premier cri
[…]
Vous parler de la naissance de ces mots
que je vous crie de ma table4En 1979, sous le leadership de Serge Dion, sont fondés l’Association des auteurs de l’Outaouais, dont il est le premier président, et le Salon du livre de l’Outaouais, avec entre autres Jacques Poirier. Une étroite collaboration établie entre l’Association des auteurs et le Salon permet la diffusion des titres et de la parole des écrivains et écrivaines de l’Outaouais.
En ce qui concerne l’édition en Outaouais, en plus des éditions Asticou, qui ont cessé leurs activités en 1990, notons le travail fait par Pierre Bernier et ses éditions Écrits des Hautes-Terres, de 1997 à 2008, et les éditions Neige-Galerie qui, de 2013 à 2019, ont publié des livres jumelant arts et littérature (dont ceux de Christian Quesnel, D-Track et Amélie Prévost). Depuis, quelques maisons d’édition naissent et tendent à faire leur place, comme La Note verte, située à Maniwaki, et L’Empreinte du Passant, qui se voue à la transmission des témoignages, principalement des membres de la diaspora afrodescendante.
Maints poètes habitant l’Outaouais seront publiés au fil des ans par des maisons d’édition hors de la région, soulignons entre autres Clara Lagacé (En cale sèche, David, 2017), Marjolaine Beauchamp (M.I.L.F., Somme toute, 2018), Guy Jean (Une autre fois déjà, Écrits des Forges, 2018), Stefan Psenak (Certains soirs de catastrophe, Prise de parole, 2019), Michel Côté (La condition des matins, Le Noroît, 2020), Tania Langlais (Pendant que Perceval tombait, Les Herbes rouges, 2020) et, plus récemment, Madeleine Lefebvre (On sera pas éternels alors soyons lents, du Quartz, 2021) et Mikael Gravelle (Marelle et discorde, Hashtag, 2021).
Arts littéraires en scène
Les entretiens et les spectacles de poésie ont été multiples depuis 1978, dont quelques-uns dans la langue des communautés d’immigrants avec traduction en français. Nommons entre autres les « Soupers littéraires » animés par Julie Huard, directrice de collectifs de poésie dont les reportages à Radio-Canada ont fait connaître la littérature de l’Outaouais. D’ailleurs, plusieurs médias ont été des porte-voix pour les activités littéraires de la région, notamment les défunts magazines Zone et Voir. En 2022, des magazines en ligne reprennent le flambeau, comme Le Pressoir qui met en valeur la production culturelle locale, dont celle des arts littéraires.
Rappelons au passage « Les lundis de la poésie » fondés et animés par Lise Careau, qui ont eu lieu à Hull de 1998 à 2008. Y ont été invités les poètes de l’Outaouais, de l’Ontario, du Québec, et même à l’occasion d’Europe. Cet espace a servi d’initiation à la poésie auprès de ses auditoires et fut pour plusieurs une incitation à l’écriture poétique. Dès 2008, cette activité sera remplacée par les soirées de slam, mises en place d’abord par l’Association des auteurs et auteures de l’Outaouais, puis par le collectif SlamOutaouais, sous la direction de Pierre Cadieux. Ces soirées se sont tenues en alternance à la Maison des auteurs et au café-bistro Le Troquet, où elles s’installent pour de bon. Elles attirent de nouveaux auditoires et permettent aux artistes de l’Outaouais de représenter la région à l’international. Nommons entre autres les champions et championnes : Marjolaine Beauchamp, Guy Perreault, David Dufour, Diane Bouchard et Louise Nathalie Boucher. Annie St-Jean est à la barre de ce collectif qui fait vivre la poésie orale année après année, y conviant jeunes poètes en herbe et grand public.
Un Festival des écrivains bilingue est né à Wakefield, au printemps 2013, pour porter le talent d’auteurs francophones, anglophones, membres de minorités ethniques et autochtones locaux et nationaux. Il se tient annuellement depuis, présentant une riche programmation conçue autour de questions contemporaines essentielles, portées par une poignée de passionnés, sous la direction d’Hélène Giroux.
En 2016 prenait forme Joual de Bataille, « collectif pour faire shiner l’oralité » fondé par Alexandre Deschênes et Benoit Legros. Réunissant dès ses débuts une douzaine d’autres poètes de l’oralité, dans un souhait de reconnaître que « leur langue sale et leur culture bâtarde étaient bonnes pour l’art », ce collectif offre des spectacles, soirées micro ouvert, happenings et expositions multiartistiques. Le blogue de Joual de Bataille publie des œuvres qui témoignent de la langue portée par ces artistes. Soulignons l’abondante contribution de Benoit Legros avec ses textes ancrés dans le territoire.
Géopoétique d’une évidence
de pays couraillé
Géoérotique de rivières
qui mouillent tes petites culottes
le nomos pis le topos
qui fouraillent dans ma yeule
que je te donne gratiss
dans tes oreilles qui dansentparce qu’il n’y a de vrai que ce que j’ai foulé
touché de mes mains
que ce que j’ai goûté
l’eau des érables de Masham
et la cyprine des filles que j’ai connues5Ne laissons pas sous silence le travail remarquable de Transistor Média, boîte de production de balados fondée en 2018 par Steven Boivin et Julien Morissette. Ces derniers ont aussi mis en place, en 2017, le Festival de la radio numérique, qui met de l’avant des fictions, des documentaires, et des créations sonores, humoristiques et théâtrales. Plusieurs des productions de Transistor Média, composée maintenant d’une équipe élargie, flirtent avec les arts littéraires, dont Quelqu’une d’immortelle, documentaire poétique qui explore la façon de raconter une mort ordinaire. Transistor Média inspire sans contredit les jeunes créateurs et créatrices en arts sonores de notre région, que ce soit Clara Lagacé avec son balado Les envolées, créé en collaboration avec Simon Coovi-Sirois, l’installation sonore courroux courroux de Marc A. Reinhardt (L’Oie de Cravan), ou d’autres encore.
Dans un autre ordre d’idées, davantage porté par son énergie théâtrale et dans une volonté de traverser la période de confinement en l’immortalisant par la création, un groupe de jeunes dramaturges a créé en mars 2020 le collectif Les Frivoles, qui écrit et réalise des initiatives artistiques visant à démocratiser l’accès à l’art, toujours en se souciant du monde de demain. Emmanuelle Gingras a rallié une dizaine d’artistes autour d’elle, dont sa codirectrice Clémence Roy-Darisse.Incitée par l’engouement pour les arts littéraires observé tant chez les artistes que chez le public, la Corporation du Salon du livre de l’Outaouais lançait, en septembre 2020, la première programmation de la Maison des arts littéraires. Dans cette maison nomade habitant le territoire de Gatineau, les arts littéraires mettent à l’avant-plan la rencontre du public avec la création littéraire et ses artistes, mais aussi entre les disciplines, en souhaitant contribuer à la rétention des artistes d’une diversité de profils. La douzaine d’activités diffusées annuellement y sont conçues en collaboration avec des partenaires régionaux et d’ailleurs. Contes contemporains numériques, installations, spectacles littéraires diffusés ou produits localement investissent les salles de spectacles, devantures de restaurants, parcs, quais et centres culturels.
Si le conte avait bonne figure pendant des années en Outaouais, bénéficiant tour à tour des Contes nomades, des Contes du mardi et des Contes à la brunante, il a été bien timide au fil de la dernière décennie1. Après avoir souffert de l’absence d’une scène structurée et engagée, cet art tend à reprendre son souffle avec l’arrivée de la Maison des arts littéraires et de partenaires locaux comme L’Avant-première, DAÏMÔN et la Ville de Gatineau, qui contribuent à remettre à la vue et à l’ouïe du public la quinzaine de conteurs et conteuses de chez nous. Citons par exemple Mafane, dont la carrière va bon train, dans sa région et bien au-delà, comme celle de Stéphane Guertin, conteur et cofondateur de la troupe humoristique Improtéine.
La pratique actuelle des arts littéraires en Outaouais se présente sous des formes et des expressions diverses, qu’il s’agisse de poésie, de conte ou de projets multidisciplinaires. Des artistes de diverses générations s’expriment dans toute la complexité de la langue à la fois écrite et parlée, afin de témoigner du temps et de l’espace dans lesquels elles et ils évoluent.
Certains extraits de ce texte sont parus dans l’introduction du numéro spécial de la revue autrichienne Lichtungen sur la poésie en Outaouais rédigée par Guy Jean et Michael v. Killisch-Horn : « Lyrik aus der Region Outaouais », no 166, 2021.
Sources publiées ayant guidé la rédaction :
Yves Bergeras, « Le conte : Perdu et retrouvé… et bien contemporain », Le Droit, 18 mars 2022.
Maryse Boyce, L’oralité comme matériau poétique, Tour du Québec, tourduquebec.ca/culture/joual-de-bataille-ou-loralite-comme-materiau-poetique
Stéphane-Albert Boulais, Le Droit, Ottawa, 8 mars 1980, p. 16.
Stéphane-Albert Boulais, « Lettre aux buveurs de taverne » dans le cahier-souvenir La nuit des fous(conception : Georges Dutil).
Collectif, Huit poèmes infiniment, Sept plus un, Hull, 1983.
André Couture, Les doux fantômes d’un grand regret. La vie et l’œuvre d’Antonio Desjardins (1894-1953), Lettresplus, Gatineau, 2008, 934 p.
André Couture, « Verbe et chair » dans Mémoire pour l’exil des souvenances, Le Coin du livre, Ottawa, 1967, non paginé.
Roger Chamberland, dans Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, T. IV, Fides, 1984, p. 572.
Julie Huard et Michel-Rémi Lafond (sous la dir. de), Amoroso – poèmes, Écrits des Hautes-Terres, Ripon, 2001, 137 p.
Jacques Michaud, « La collection ‘Poètes de l’Outaouais’ », dans Propos sur la littérature outaouaise et franco-ontarienne IV. Introduction et choix de textes par René Dionne, Le Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l’Université d’Ottawa, Ottawa, mai 1983, p. 203-213.
1. André Couture, Les doux fantômes d’un grand regret. La vie et l’œuvre d’Antonio Desjardins (1894-1953), Lettresplus, Gatineau, 2008, 934 p.
2. Ibid., p. 227.
3. Jacques Michaud, « La collection ‘Poètes de l’Outaouais’ », dans Propos sur la littérature outaouaise et franco-ontarienne IV. Introduction et choix de textes par René Dionne, Le Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l’Université d’Ottawa, Ottawa, mai 1983, p. 203-213.
4. Stéphane-Albert Boulais, « Lettre aux buveurs de taverne » dans le cahier-souvenir La nuit des fous (conception : Georges Dutil).
5. Blogue de Joual de Bataille : joualdebataille.wordpress.com/2015/03/20/paysages
6. Les Contes nomades ont été présentés au Centre national des arts, à Ottawa, sous la direction de Danièle Vallée de 2008 à 2019, et l’organisme qui rassemblait les artistes se produisant aux divers événements de contes dans la région, le Cercle des conteurs de Gatineau, tenu par Pascal Aubut, a cessé ses activités officielles entre 2016 et 2019.Les arts littéraires dans un monde postpandémique
Bien souvent, les arts littéraires vont de pair avec la rencontre, celle des artistes et de leurs disciplines, ou celle qui se vit avec la population, au moment d’une performance intimiste ou d’un spectacle à échelle humaine. Inutile de préciser que la pandémie et les restrictions sévères qu’elle a entraînées ont profondément bouleversé l’ensemble du milieu. Inondés de nouveaux défis, tant les artistes que les organismes de diffusion et de production ont été poussés dans les ultimes retranchements de leur créativité pour arriver à garder le contact avec le public dans une ère qui pose la distance en impératif.
En quelques mois à peine, l’organisation de spectacles en formule hybride (virtuels et en personne) est devenue une habitude ; le Festival des arts littéraires de l’Outaouais était lui-même en grande partie accessible depuis la maison, et les manifestations artistiques entièrement numériques, à l’image de Particules, proposent des rencontres désincarnées qui ne se soucient plus de l’éloignement entre leurs participant(e)s. Apparues comme des bouées de sauvetage, ces nouvelles pratiques ont pu charmer par leur caractère innovateur. Des idées qui ont jailli de la contrainte, plusieurs pourraient s’installer durablement dans le paysage culturel, mais les promesses des nouvelles technologies portent leur lot de questionnements qui méritent qu’on s’y penche avant de se lancer à bras ouverts dans un monde de pixels.
L’autre côté du miroir
La première chose qui vient à l’esprit quand on pense aux prouesses du numérique, c’est sans doute son instantanéité rassembleuse. L’espace virtuel se distingue du réel par son effacement des distances. Véritable portail entre les endroits les plus éloignés, les technologies numériques permettent de se déplacer à la vitesse des idées et de participer activement à des événements ayant lieu à l’autre bout du monde. Elles ouvrent la voie à un réseautage serré qui favorise les échanges et le partage, essentiels à la production de nouvelles œuvres, mais également à la portée de leur diffusion. Fruit de cette volonté de donner une vie aux œuvres qui dépasse leur lieu de naissance, le catalogue du Réseau des arts de la parole et des arts et initiatives littéraires (RAPAIL) prend justement forme sur un site Web, listant des œuvres et des diffuseurs comme pourrait le faire une application de rencontres. S’il n’en est encore qu’à ses balbutiements, le catalogue constitue un premier pas vigoureux vers une plus grande mobilité des œuvres d’arts littéraires. L’instant qui suit la première représentation d’une performance n’a plus à se teinter de mélancolie si l’œuvre arrive ainsi à prendre son envol pour conquérir des territoires nouveaux grâce au tremplin de la toile.
Pour les régions, ce pouvoir de téléportation promet aussi une plus grande inclusion en abattant de nombreux frais liés au déplacement des artistes, ce qui fait miroiter une décentralisation propice à l’épanouissement culturel et artistique des milieux éloignés, peut-être même des zones rurales, à condition qu’un réseau suffisamment rapide soit au rendez-vous. Internet, en effet, demeure une ressource inégalement répartie au Québec et au Canada, de plus en plus coûteux et de moins en moins efficace à mesure qu’on s’éloigne des centres urbains. L’accès à une connexion à haut débit, de même qu’aux ressources humaines et technologiques nécessaires à l’organisation d’événements virtuels ou d’activités dématérialisées, peut devenir un enjeu important pour les organismes et artistes qui doivent désormais se partager un public plus sollicité que jamais.
De la supériorité de la matière
Alors que les arts littéraires épousent les technologies numériques à tous les stades de leur trajectoire, il convient de se demander si les expériences virtuelles sont vraiment désirées par le public, ou si elles n’ont été qu’une compensation provisoire pendant la crise sanitaire, un en-attendant pour pallier l’impossibilité de vivre l’art en chair et en os. S’il est inutile, aujourd’hui, de s’essayer à la divination pour supputer l’attrait qu’auront les arts numériques dans un futur lointain, on peut déjà affirmer que leurs nouvelles possibilités séduisent, mais aussi que le contact humain, dont le manque s’est fait cruellement sentir durant la pandémie, demeure souverain. Le remplacement de tous les spectacles, performances ou expositions par des activités et des représentations virtuelles fait craindre la perte d’une part d’humanité, d’authenticité qui, si elle peut certainement se manifester par le biais du numérique, est tout de même magnifiée lors des rencontres en personne. L’inquiétude de voir les régions exclues des événements en présentiel a ainsi été exprimée durant les Troisièmes rencontres, preuve que les espaces virtuels ne valent pas les espaces réels. Si l’enrichissement qu’ils proposent aux voies de communication, de création et de diffusion est le bienvenu, personne ne semble souhaiter que le numérique empiète sur d’autres moyens plus traditionnels.
Si les avantages du virtuel sont loin de justifier un remplacement total de l’univers incarné, l’idée d’une complémentarité entre les deux mondes arrive à séduire tant le public que ceux et celles qui travaillent de l’autre côté des rideaux (ou de l’écran). De nombreux projets stimulés par la pandémie ont ainsi comblé des trous ignorés jusqu’alors. L’exemple de l’Hôtel des Autrices, un dispositif numérique d’écriture et d’édition porté par la Collection Morel et mis en œuvre par le Réseau des Autrices francophones de Berlin, illustre parfaitement la nécessité d’une option de réseautage libérée des contraintes spatiales, physiques, temporelles même, que peuvent vivre plusieurs artistes. Cette cartographie d’un hôtel imaginaire, dessinée par des binômes autrice-réviseure, propose un non-lieu accessible aux femmes débordées par leur quotidien, qui peuvent y trouver une communauté serrée, motivante et inspirante.
À la conquête de l’espace numérique
Un monde hors du monde connu… Voilà ce que proposent les technologies numériques que la pandémie a placées au centre de toutes les interactions et qui, bien avant cela, jouaient un rôle clé dans la diffusion des savoirs et des informations. Ignorer leur influence est impossible. Chacun se lance avec ardeur à la conquête de ces territoires nouveaux dans lesquels l’art se love d’une nouvelle manière. Au-delà des possibilités nouvelles de réseautage et de création, les technologies numériques sont devenues un véhicule de communication privilégié. L’activité sur les réseaux sociaux, l’usage des publicités ciblées et le maintien d’une bonne découvrabilité sur les moteurs de recherche sont parmi les voies de communication les plus efficaces pour rejoindre le public, même quand il s’agit de faire connaître des œuvres qui n’ont rien de numérique.
Les Troisièmes rencontres ont été l’occasion de mettre en avant différentes initiatives pour augmenter la visibilité des œuvres littéraires. La route des livres, élaborée par l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français (AAOF), tente d’allier le tourisme et la littérature de manière ludique afin de piquer la curiosité du public. La vaste diffusion de l’atelier Créer du lien, présenté par Rhizome afin d’initier les artistes et organismes aux outils proposés par l’ensemble Wikimédia, a pour ambition de favoriser la découvrabilité de la littérature québécoise. Parler aux robots ne va pas de soi, mais l’influence inévitable des intelligences artificielles qui règnent dans le monde virtuel fait de cette étrange conversation un passage obligé quand il s’agit de nouer des relations par le biais des nouvelles technologies. Entre l’amélioration de la découvrabilité et l’adaptabilité requise pour suivre le fil d’un espace en constante évolution, les technologies numériques augmentent le travail à faire plus vite qu’elles ne le facilitent. La croissance des besoins en ressources humaines se couple à la nécessité de trouver de nouveaux financements.
Nombreux sont donc les défis qui pavent la route des arts littéraires. Les riches échanges des Troisièmes rencontres se sont heurtés au passage du temps au moment de formuler des solutions, non sans qu’y soit soulignée l’importance de mutualiser les efforts au moment de structurer le milieu afin de consolider sa présence virtuelle. Coupées dans leur élan par la fin du dernier jour, les discussions emballées qui ont eu lieu dans le centre culturel du Vieux-Aylmer se sont conclues par un constat pratiquement unanime : pour progresser dans la réflexion sur les arts littéraires et dans leur organisation, des états généraux seront nécessaires. Si on ne peut prévoir dans quelle mesure les technologies numériques guideront la tenue de ces discussions annoncées, nul besoin d’être prophète pour deviner qu’elles joueront un rôle central dans leur organisation même.
De la porosité des mots : modes d’existence des arts littéraires
Repartons d’un lieu commun : la littérature ne communique pas, elle résiste à la fonction communicative du langage en débordant, déroutant, dépliant le sens des mots, en portant leur souffle et leur matérialité par-delà la signification. Ce que nous nommons les arts littéraires ouvre un espace où il devient possible d’expérimenter ce débordement, cette déroute, ce déploiement des mots à travers lesquels nous nous rassemblons.
Nous parlons encore d’arts littéraires au pluriel, car plus que jamais les gestes, les techniques et les médiums mobilisés pour faire sortir les mots du livre (imprimé ou numérique), tout comme leurs contextes de production et de réception, sont multiples. Les pratiques d’art littéraire partagent un langage impur, constamment refaçonné selon un espace et un temps spécifiques. Dans cette perspective, la littérature participe à de nouvelles formes de performativité qui prennent acte de la porosité des mots, d’autant plus lorsqu’elles ne sont pas confinées à un seul support ou forme d’expression. Un vocable, un vers, un récit recèlent des potentialités inouïes lorsque le matériau langagier se déploie dans une temporalité située. Les arts littéraires convoquent une expérience collective renouvelée du fait littéraire.
Point d’appui : le mot
Néanmoins, les arts littéraires demeurent méconnus dans le milieu de la littérature et auprès des publics. Pour plusieurs, la spécificité de ce champ de pratiques, par rapport à d’autres disciplines appartenant aux arts vivants, n’a pas encore été clairement démontrée. Bref, certains n’y voient que du vieux vin dans de nouvelles outres. D’autres, notamment celles et ceux ayant pris part aux Troisièmes rencontres Arts littéraires à Gatineau1, plaident pour de nouvelles outres qui puissent contenir leur nouveau vin !
Si les discussions animées tenues lors de ces rencontres témoignent de l’intérêt que suscitent les arts littéraires, force est d’admettre que les créateurs issus des milieux du conte, du théâtre, de l’art sonore, de la poésie, du slam, des arts visuels, de l’art numérique et de la musique qui étaient présents n’ont pas su identifier le dénominateur commun à toutes les déclinaisons de l’art littéraire. Cela tient peut-être au fait que les arts littéraires proposent des usages indisciplinés de ce que le support du livre ne peut contenir, c’est-à-dire la porosité du matériau littéraire. Autrement dit, ces pratiques aux contours flous contribuent plutôt à une dé-définition de la littérature. Quoi qu’il en soit, il semble qu’aucune des descriptions proposées ou des œuvres que nous avons pu y associer au cours des échanges ne puisse se passer d’un élément de base : le mot2.
Peut-être faut-il donc penser les arts littéraires comme ce qui s’appuie sur le mot pour provoquer et dynamiser l’étendue de la littérature. En ce sens, une performance orale in situ, une manifestation collective sur Twitter, un poème sous forme d’installation, un récit déambulatoire audionumérique participent, dans des registres singuliers, au champ élargi de la littérature. Cet élargissement de la perception du mot signale un tournant dans la façon de produire et de présenter une expérience littéraire : le partage de ce qui est dit et écouté, inscrit et montré. L’émergence d’un tel champ n’est pas sans rappeler d’autres moments charnières dans l’histoire de l’art comme la sculpture in the expanded field3 ou bien le expanded cinema4.
Les arts littéraires ne réinventent pas la littérature, mais plutôt les expériences que nous pouvons faire des mots qu’elle mobilise pour appréhender le réel. Ce type de créations proposées sur scène, dans une galerie d’exposition, sur le Web ou dans des espaces non conventionnels invite le public à de nouvelles interactions avec le fait littéraire. Cela nous force donc également à revoir ce qui constitue une « publication ». L’hypertexte Frankie et Alex de Maude Veilleux, les interventions poétiques de Maude Pilon et Simon Brown dans les terrains vagues de Laval, la performance La vie littéraire de Mathieu Arsenault, un conte incarné par Mafane ou la manifestation collective Particules sur la plateforme Twitter ne sont-ils pas des créations où le public accède à la littérature au même titre qu’il le ferait en lisant un livre ? N’y a-t-il pas, dans ces procédés et usages hétéroclites du mot, un mode de publication mieux adapté à l’environnement médiatique d’aujourd’hui ?
Nommer pour soutenir
L’absence d’une définition claire et unanime des arts littéraires n’empêche nullement une communauté de créateurs et créatrices, d’organismes et de regroupements professionnels de s’y reconnaître. L’indétermination foncière de ce champ de pratiques émergent est le ciment même de son identité disciplinaire. Si le consensus n’est pas recherché, il y a néanmoins un désir partagé par les artistes, les producteurs et les diffuseurs de se munir d’un vocabulaire commun afin de pouvoir œuvrer dans l’écosystème culturel provincial, national, voire international. Les usages d’un lexique partagé contribuent au soutien d’œuvres parfois si singulières qu’elles souffrent de ne pas être reconnues à leur juste valeur.
Dans une perspective pragmatique, la nouvelle typologie des pratiques en arts littéraires que propose le Réseau des arts de la parole et des arts et initiatives littéraires (RAPAIL) contribue à mettre en valeur la singularité de ces pratiques, et par le fait même amorce leur reconnaissance institutionnelle5. S’il reste encore de nombreux défis dans ce réseau émergent, l’existence d’un lexique et d’un regroupement professionnel dans l’espace public est une étape importante dans le développement d’un champ de pratiques qui se développe en lien avec les structures de l’économie du livre traditionnelle, mais à l’extérieur de celles-ci.
La chaîne du livre
L’expression revient souvent : briser la « chaîne du livre ». Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Renoncer au marché du livre, à la commercialisation du bien littéraire et aux structures qui en assurent la production et la distribution ? Échapper à la précarité à laquelle semble (encore) condamné quiconque s’investit dans le métier de l’écriture ?
Ces questions de labeur liées à l’économie du livre sont de véritables enjeux dont les arts littéraires sont indissociables. J’oserais même affirmer qu’en élargissant les pratiques de la création littéraire, ce champ accorde de la valeur au travail invisible ou trop souvent mal rémunéré de ceux et celles qui œuvrent en littérature. Les arts littéraires élargissent donc la fabrique du littéraire en mettant en œuvre d’autres modes de production et de présentation adaptés aux formes d’expression proposées par les artistes. En écho aux constats qui ont été faits lors des Deuxièmes rencontres en 2020, de plus en plus d’acteurs du milieu prennent acte de cet équilibre fragile : travailler le matériau littéraire à l’extérieur du livre sans renoncer à une certaine conception « élargie » de la littérature qui fait place à une multiplicité de pratiques, de techniques et de dispositifs6.
En ce sens, briser la chaîne du livre, c’est une manière de s’affranchir des conditions de production du marché du livre tout en créant des interstices au sein des institutions de la littérature qui en assurent la reproduction : les départements universitaires, les organismes de subventions, les médias, les lieux de diffusion, les prix de reconnaissance, etc. Les arts littéraires font travailler les mots et les récits autrement afin de mieux habiter le contexte, l’environnement et la communauté où ils sont déployés.
S’engager dans cette voie nous amène à décentraliser l’écosystème littéraire et à repenser les modes d’existence de la parole, des mots, des textes. En faisant place à une diversité de pratiques et de supports, nous créons du lien : des occasions de travailler ensemble et de partager une présence commune.
* Marc-Alexandre Reinhardt est artiste multidisciplinaire, écrivain et chercheur. Sa pratique est au croisement de l’installation, de la performance et de la littérature. Il a présenté des œuvres au Québec et ailleurs. Il fait partie d’ACTION INDIRECTE, collectif explorant des gestes qui connectent art et politique. Il a fondé les Éditions le clinique, structure consacrée aux arts littéraires et à l’impression expérimentale.
1. En octobre 2021, Rhizome s’est joint au Salon du livre de l’Outaouais, à la Maison des arts littéraires, à l’Association des auteurs et auteures de l’Ontario français et à RAPAIL pour proposer une série d’ateliers de réflexion au Centre culturel du Vieux-Aylmer, à Gatineau.
2. J’entends les huées des porte-paroles de la poésie concrète ! Notons que le mot est ici compris comme un matériau et non pas une unité sémantique. Il s’agit d’une consistance affective de la langue pouvant tout aussi bien être réduite à sa sonorité. Pour être plus précis, ce qui occupe les arts littéraires, c’est ce que Roland Barthes appelait la « signifiance » du mot.
3. Rosalind Krauss, « Sculpture in the Expanded Field », October, n° 8, été 1979. Traduction en français dans L’originalité de l’avant-garde et autres mythes modernistes, Paris, Macula, 1993.
4. Gene Youngblood, Expanded Cinema, 1970.
5. rapail.ca [DEN : FAIRE LIEN DANS LE SITE : https://www.rapail.ca/ ]
6. « Réfléchir aux arts littéraires nous oblige à faire simultanément deux sauts épistémologiques : penser les pratiques en création littéraire sans leur rapport au livre (voire à l’écriture) et élaborer une conception de la littérature qui, en plus de l’imprimé, fait place à des pratiques qui ont d’autres supports que le livre. » (Jonathan Lamy)Québec, la ville à plumes
Si la part du patrimoine historique dans l’identité de la capitale n’est plus à démontrer, celle du patrimoine littéraire reste plus abstraite dans notre esprit. Pourtant, en 2017, quand l’UNESCO intègre Québec à son prestigieux réseau des Villes créatives de littérature, elle salue la forte vivacité du milieu actuel, ainsi que l’imposant patrimoine où se croisent artefacts livresques et lieux de vie littéraire. Le rallye Vieux-Québec littéraire, rassemblant une dizaine de partenaires culturels du quartier1, a cartographié ces trésors passés et présents pour les offrir au grand public.
Le Vieux-Québec est en soi une immense bibliothèque rare et précieuse. S’y rassemblent les lettres de Marie Guyart de l’Incarnation ; les quelque 2 800 manuscrits et imprimés du Monastère des Augustines ; les archives et la bibliothèque des Pères du Séminaire (du XIIe au XXe siècle), conservées au Musée de la civilisation ; les 500 éditions originales d’œuvres littéraires québécoises (des XIXe et XXe siècles) de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec…
Dans le quartier se sont aussi installées des librairies qui allaient profondément marquer notre paysage affectif (Crémazie, Garneau, Générale française, Pantoute, Première Issue) ; des sociétés savantes et littéraires aux collections somptueuses (Literary and Historial Society, 1824 ; Institut canadien de Québec, 1848) ; des journaux (Gazette de Québec, 1764 ; Le Soleil, 1896) et des revues littéraires (Nuit blanche, 1982 ; Les libraires, 1998) suscitant un intense bouillonnement intellectuel ; sans oublier la Maison de la littérature (2015), phare de la médiation littéraire actuelle.
Pour bien illustrer combien ce patrimoine sait défier l’oubli pour stimuler la création, dix artefacts ou lieux de vie littéraire du Vieux-Québec ont été jumelés à des poètes, écrivain(e)s et bédéistes contemporains, inspirant des textes inédits. Vanessa Bell et Anne Guilbault se penchent ainsi sur des lettres manuscrites de Gabrielle Roy et de Marie Guyart pour réfléchir aux espaces féminins de l’écriture ; devant la machine à écrire de Roger Lemelin, Simon Lambert s’interroge sur les œuvres littéraires rassembleuses ; Elizabeth Baril-Lessard, ancienne libraire chez Pantoute, y revit le sentiment de sécurité procuré par les rayons remplis d’émotions à apprivoiser ; Paul Bordeleau, client de Première Issue depuis l’adolescence, raconte l’éclosion de son métier en deux planches de bédé ; devant un canivet de l’Îlot des Palais, Andrée Levesque Sioui explore la perte de mémoire, entre oralité et écriture ; Valérie Forgues réagit à la censure après sa visite de l’exposition À l’Index ! Regards sur la censure littéraire au Québec de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec ; Mattia Scarpulla témoigne de toutes les présences silencieuses qui ont porté les livres de l’Institut canadien de Québec ; Louisa Blair souligne le paradoxe du Morrin Centre, qui abrite dans une ancienne prison l’une des plus anciennes bibliothèques anglophones du Canada ; Jean-Paul Beaumier, collaborateur de longue date chez Nuit blanche, imagine une insomnie nocturne en pleine guerre d’Ukraine, où les livres assurent protection et espoir (voir page suivante).
Cet été 2022, tous ces artefacts, ces lieux et ces textes s’exposent au grand public grâce à une application mobile ou une carte en bon vieux papier. Les partenaires du rallye seront heureux de vous accueillir en leurs murs pour poursuivre l’expérience in situ. Pour tout savoir de cette balade littéraire : rallyevieux-quebeclitteraire.ca
1. Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec ; L’Îlot des Palais ; La Promenade des écrivains ; Le Monastère des Augustines ; Librairie Pantoute ; Librairie Première Issue ; Maison de la littérature; Morrin Centre ; Musée de la civilisation ; Nuit blanche, magazine littéraire ; Pôle culturel du Monastère des Ursulines ; SDC Vieux-Québec.
Le Wiktionnaire, mon carré de sable
Écoutez ici la version audio de ce texte par Daniel Luttringer.
Quand j’étais en première année, la commission scolaire a organisé une activité sous le nom de « Journée de la parole ». Malgré ce que le nom laissait entendre, il s’agissait en fait d’inciter les élèves à écrire. La participation pouvait prendre deux formes : soit . . .
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