Génocides et camps de concentration forment une réalité proprement indicible parce qu’elle atteint et dépasse nos capacités de résistance comme celles de l’expression. Pour tenter d’en parler, les mêmes mots usés sont repris sans cesse car on sait bien, cette répétition le montre, qu’ils sont inadéquats et impuissants. Et cependant, depuis plus d’un demi-siècle, cette réalité a fait surgir une littérature abondante qui ne cesse de s’accroître : récits de ceux qui ont vécu l’horreur, simples témoignages ou œuvres littéraires, fictions, analyses, études, réflexions.
Le collectif Les récits de survivance, Modalités génériques et structures d’adaptation au réel1, publié sous la direction de Christiane Kègle*, s’interroge sur ce paradoxe, tout en s’y insérant : pourquoi ces récits sur ce qui ne peut être dit ? Selon quelles voies, en quelles formes cherchent-ils à se constituer ? Et, question en apparence saugrenue, presque indécente, pourquoi ont-ils été écrits ? Elle en appelle une autre, qui semble elle aussi avoir déjà sa réponse : pourquoi les lire aujourd’hui ?
Effets et symptômes du trauma
Cet ouvrage riche et dense est le premier résultat des travaux du Groupe de recherche sur les récits de survivance (GRERÉS) dirigé par Christiane Kègle*, professeure de littérature à l’Université Laval. Encadrées par sa présentation et par une postface de Raymond Lemieux, neuf études signées par des chercheurs québécois, canadiens et européens conduisent donc une fois encore notre regard vers la Shoah, l’Arménie, le goulag. Plus spécifiquement, dit Christiane Kègle, ces études « tentent de mettre au jour les mécanismes d’adaptation qui, convoqués dans les récits de survivance, permettent d’assumer le poids accablant d’un passé contraignant ». Ce qui fait immédiatement surgir la notion de trauma sur laquelle se focalisent selon des angles divers ces analyses : de quelle nature fut ce trauma, quels en furent les symptômes et les effets, éventuellement comment a-t-il été surmonté, car, François Ouellet le dit bien, le récit de survivance est « inséparable d’une traversée du trauma ». On pense ici d’emblée à une situation contemporaine extrême vécue collectivement, l’entreprise d’élimination d’un peuple, d’une nation, d’une race, conçue le plus souvent par un régime totalitaire et réalisée méthodiquement. On s’étonne donc d’abord de rencontrer dans ces pages une étude sur George Sand et Flora Tristan, deux femmes du XIXe siècle qui ne furent pas menacées dans leur vie mais qui durent lutter contre un esclavage social et psychologique, mais les questions sont posées, qui réapparaîtront avec une ampleur et une violence incomparables dans l’ouvrage : comment devient-on paria, comment devient-on soi, et quel remède possible sinon, au-delà des inhibitions et des censures, de parvenir à parler ?
Un salut par l’écriture ?
Expérience collective, certes, qui ne peut néanmoins être racontée que par des individus. Le travail d’écriture paraît d’abord une tentative de sauvetage personnel, que ce soit chez Jorge Semprun, Varlam Chalamov ou Boris Pahor, auxquels pourraient évidemment s’ajouter Elie Wiesel, Primo Levi, Bruno Bettelheim ou Alexandre Soljenitsyne. Au sortir des camps, qui sont ces êtres, rescapés, survivants ou, comme dit Semprun, revenants, et que peuvent-ils faire ? Ils n’éprouvent pas, comme on pourrait le croire, un sentiment de liberté mais une affreuse solitude devant l’incompréhension de ceux qu’ils retrouvent – autre trauma –, l’horreur n’a pas cessé, elle est là à chaque instant dans le quotidien, dans les rêves nocturnes, des images, des voix, des hurlements. Semprun évoque en une phrase sa rencontre avec des officiers anglais qui arrivent en libérateurs : « C’est l’horreur de mon regard que révèle le leur, horrifié. Si leurs yeux sont un miroir, enfin, je dois avoir un regard fou, dévasté ». Tenter de survivre, donc, non seulement dans les camps mais après, à condition qu’il reste encore quelques ressources. Ce n’est pas la méthode la moins efficace des bourreaux et des régimes totalitaires qui les délèguent que d’anéantir chez leurs victimes l’élémentaire désir de vivre. Plusieurs analyses s’attachent ici à montrer le fonctionnement des mécanismes de défense chez les survivants. D’abord le déni, « l’amnésie délibérée » dont parle encore Semprun, qui rend impossible le deuil, entraîne mélancolie, délire paranoïde et psychose. Tel est le parcours régressif retracé par Christiane Kègle et Claudie Gagné à propos des personnages d’Agota Kristof – elle parle pertinemment à cet égard non pas de survivance mais de « sous-vivance ». Parfois ces mécanismes de défense s’effondrent longtemps après l’événement et le processus de résilience qu’a décrit Boris Cyrulnik est inopérant. Ainsi, à Levi et à Bettelheim, il est resté une seule issue : le suicide.
Après ceux qui ont connu les camps et les génocides vient une autre génération qui porte la mort des parents comme un poids et un cancer. C’est le cas de Wajdi Mouawad (étudié par François Ouellet), de Danilo Kia’et de Georges Perec (étudiés par Alexandre Prstojevic). Pour ces derniers se pose la question de la judéité (refusée par Perec, assumée par Kia) qui équivaut plus largement à la recherche de l’identité liée au père disparu – thème essentiel qui court comme un fil rouge à travers tout l’ouvrage.
Il est composé, ne l’oublions pas, de récits. Mais qu’y a-t-il à raconter ? Ce qu’on a vécu et dont on revient, mais de quoi revient-on ? Pourra-t-on raconter et pourquoi le faire : « Que reste-t-il de l’expérience vécue une fois recueillie et transmise (traduite, trahie ?) par la double médiation du souvenir et de l’écriture ? » (Françoise Genevray à propos de Chalamov et Pahor). Nous lisons des récits d’hommes et de femmes en train de se souvenir et nous ne savons s’ils sont dans le passé ou le présent, le souvenir véritable ou la reviviscence. L’écriture a donc ici une fonction ambiguë. Elle risque non seulement de travestir mais de falsifier la réalité, comme le prétend Chalamov qui refuse vigoureusement le « littéraire ». Ou au contraire pour Pahor (ainsi que Kia’et Perec, tous de la deuxième génération), par le recours à la fiction, l’emploi de métaphores grotesques, de ruptures de narration, la recherche de solutions formelles devient un acte de survie. Mais la question demeure posée : comment une œuvre littéraire peut-elle devenir témoignage ?
Écrire l’histoire
Cette notion de témoignage appelle elle-même des distinctions. Les témoins n’ont pas tous le même statut selon qu’ils sont impliqués et victimes ou observateurs, témoins de filiation appartenant à la communauté exterminée, témoins autorisés (hommes politiques, journalistes, intellectuels, etc., pouvant attester de la véracité des faits). Par eux s’écrit l’histoire, en ses convergences, contradictions, zones obscures, à travers de multiples difficultés (ce que montre par exemple le passionnant livre de Daniel Mendelsohn, Les disparus[paru en 2007], à verser à ce dossier déjà très étoffé). Par eux, peut-on dire, l’événement se fait. Tel est l’objet de l’enquête méthodique menée par Joceline Chabot et Richard Godin à propos de la place du génocide arménien dans la presse québécoise depuis 1915. Les survivants d’un génocide, par leurs récits, expriment des souffrances, fixent la mémoire de l’événement, le commémorent et affirment leur identité collective contre le déni opposé par les génocidaires.
Plusieurs de ces études s’appuient sur Freud, Lacan et Paul Ricœur – sans oublier Cyrulnik et Pierre Bourdieu – qui fournissent de précieux outils. La psychologie analytique de Jung apporterait ici un éclairage non négligeable. Elle montrerait en particulier quels archétypes sont à l’œuvre dans le processus de survie sous forme d’images, de métaphores, de rêves, quand, dans le meilleur des cas s’opère la reconstruction du sujet. Car c’est bien là l’enjeu fondamental que font apparaître les récits laissés par les survivants et que leur production même tente de réaliser. Raymond Lemieux dans sa postface y insiste : « Raconter une histoire, raconter son histoire, devient ainsi pour le sujet mal assuré de son existence, le mode de procéder privilégié de son accès à l’être ».
Voilà ouvert une fois encore, mais à propos d’expériences extrêmes, le débat sur les pouvoirs de l’écriture. Au-delà de ces récits « circonstanciels », François Ouellet semble endosser la position de Mouawad pris dans un « vertige, sans doute, mais parce que la survie est une position instable et inconfortable ; vertige littéraire s’il en est, car il s’agit en l’occurrence de parler partout et toujours afin de rendre la vie possible ». Oui, mais n’est-ce pas hypostasier l’écriture et lui prêter des pouvoirs thérapeutiques, une capacité de nous faire vivre, voire de nous sauver, qu’elle ne possède pas, en faire un absolu qu’elle ne peut être ? La tentation est bien connue de tous ceux qui écrivent… Il faudrait plutôt considérer l’écriture dans ses pouvoirs qui sont, certes, indéniables mais aussi dans ses limites.
Une énigme sans fond
Ces études insistent avec la plus grande justesse sur la mémoire, le deuil, la reconstruction identitaire. Reste ce qui, à mes yeux, est fondamental, à aborder de front la question éthique (entrouverte par Raymond Lemieux) posée au survivant. S’il a survécu, quel prix a-t-il dû payer ? Le cinéma fournit lui aussi des éléments de réponse. Le film de Stefan Ruzowitzky, Les faussaires, place, avec une intensité extrême, quelques déportés juifs devant ce choix : contribuer à la victoire du Reich ou la chambre à gaz. Ils savent bien qu’en fait ils sont des morts en sursis et que les bourreaux nazis se débarrasseront d’eux lorsqu’ils auront cessé d’être utiles, mais dans cet entre-deux ils bénéficient d’un traitement de faveur, voire d’un confort. Dans l’infime marge d’action que leur laisse le système concentrationnaire, que faire : obéir servilement et par là prolonger leur vie, étirer la tâche imposée et donc la réaliser mais en résistant, saboter secrètement et refuser tout en sauvant les apparences ? Face au désir tenace de vivre, les victimes vont-elles abjurer, renier les valeurs qui ont soutenu leur vie ? Pourquoi, en d’autres termes, vouloir survivre ? Loin d’être incongrue, là encore la question ne souffre pas d’être écartée, ni pour ces déportés ni pour chacun d’entre nous. Pulsion de vie, bien sûr, cause à défendre, un honneur, une liberté, une dignité, sans lesquels on n’est pas un être humain, une foi dans l’au-delà, en la volonté divine… À chacun sa réponse, et toutes ces réponses ensemble.
Inlassablement, ces récits nous projettent devant l’insoluble question du mal. Non seulement son omniprésence que nous ne connaissons que trop bien mais sa banalité, que nous constatons et contre laquelle nous nous révoltons : ces tortionnaires et bourreaux sont des braves gens tranquilles en dehors de leurs fonctions… Le procès de Nuremberg a vu défiler ces fonctionnaires accomplissant scrupuleusement leur tâche : recenser, expédier, recevoir les détenus, respecter les quotas, comptabiliser les morts. Cela ne se peut, ces gens-là étaient d’une autre nature, des tueurs, des âmes damnées, des créatures diaboliques ! Et cependant… Le mal dans ce qu’il a de plus commun, de plus ordinaire, de plus humain, ou bien une puissance occulte, une réalité transcendante ?
Ces quelques observations sur l’ouvrage collectif visent à montrer à la fois la diversité des angles d’approche adoptés par les collaborateurs et l’extrême complexité de l’objet d’étude. Mais cet objet peut-il être considéré comme n’importe quel autre ? L’événement est trop démesuré, récurrent, universel, pour que nous puissions espérer faire beaucoup plus que l’entrevoir. Il nous déborde. Elie Wiesel, lui-même survivant, avouait qu’après avoir écrit une trentaine d’ouvrages sur la Shoah, il n’avait qu’effleuré l’événement. Et Primo Levi indique l’autre raison qui limite toute tentative pour le saisir : « […] nous les survivants, ne sommes pas les vrais témoins […]. Ceux […] qui ont vu la Gorgone, ne sont pas revenus pour raconter ». Cependant, ce collectif l’atteste, nous sommes fascinés par la noire monstruosité. Son existence est une énigme sans fond que nous nous épuisons à vouloir résoudre. Et il faut que l’interrogation continue.
Premiers pas d’une recherche
Ce travail et ce livre appellent une suite, des suites. Les récits de persécutions, massacres, exterminations à grande échelle ne manquent pas et le sinistre corpus ne cesse de s’élargir. Récits oraux retranscrits difficiles d’accès ou encore à venir (en particulier sur les massacres d’Ukraine que recueille actuellement le père Dubois) mais, outre les « classiques » de Semprun, Wiesel, Rousset, Chalamov, Levi, Soljenitsyne et de tant d’autres, il existe des textes sur les camps sans doute encore peu interrogés (je pense à ceux d’Ernst Wiechert, une des victimes de la même nationalité que ses bourreaux). Il est difficile de ne pas se perdre dans la masse de documents (et tout ce qui touche les Cambodgiens, les Rwandais, les Bosniaques et avant eux les Noirs, les Amérindiens…) sur les ethnies ou collectivités déportées et massacrées. Sans exclure les individus : ne sommes-nous pas tous les survivants de quelque événement dont nous pourrions faire le récit ? Il conviendrait sans doute de réexaminer l’extension à donner au terme « récits de survivance » et donc la nature du corpus, de privilégier certaines approches (histoire, sociologie, philosophie, psychanalyse…) ou certains thèmes pour centrer l’analyse et la réflexion. Mais je fais toute confiance aux participants du projet.
Alors que la recherche littéraire se complaît si souvent dans l’érudition pure ou les débats byzantins, des universitaires du Québec et d’ailleurs se tournent vers les souffrances de notre temps. Le projet de Christiane Kègle et de ses collaborateurs ne renonce pas à la rigueur, à la précision, au souci de définir les termes, de faire le point (une importante bibliographie complémentaire a été établie par Émilie Martz Kuhn), d’exposer les concepts, d’avancer pas à pas dans l’analyse, d’étayer les hypothèses et les interprétations, en un mot à l’objectivité. Un des grands mérites de l’ouvrage est de sortir des confusions de langage et de pensée si communes lorsqu’on aborde ces événements, et d’échapper aux lieux communs. Tout ce qui fait aussi les mérites de la recherche en littérature est ici présent et affirmé.
Une difficulté cependant demeure dont les tenants et aboutissants débordent l’intention de cet ouvrage. Il donne l’occasion de rouvrir un questionnement sur la nature même de la recherche littéraire. Quand on analyse des œuvres qui sollicitent aussi violemment notre horreur, notre pitié, notre compassion, notre peur et notre colère, comment faire abstraction de nos réactions, c’est-à-dire de notre affectivité ? Et pourquoi le faudrait-il ? La recherche plus spécialement dans la tradition universitaire française s’est fait une loi de la neutralité en invoquant l’objectivité de l’historien, mais nous savons bien (et les œuvres étudiées dans ce collectif le confirment un peu plus) que la vérité qu’il établit est souvent incertaine, sinon insaisissable, et que lui-même n’échappe ni à ses préférences, ni à son idéologie, ni à ses points aveugles. Objectivité du scientifique ? Je doute fort que le chercheur en littérature soit détaché de ce qu’il étudie, en dépit de ses efforts, de son idéal ou de ses prétentions. Alors ? Faire du travail rigoureux mais neutre, considérer des œuvres et des documents comme ceux-ci à distance, au deuxième ou au troisième degré, traiter les traces d’un génocide laissées par ceux qui lui ont survécu comme n’importe quel thème littéraire, s’abstraire des descriptions insoutenables, se mettre soi-même en marge et en veilleuse, ou bien intervenir, s’impliquer, mais comment et jusqu’où ? Peut-être sagement continuer de distinguer les genres : faire une étude méthodique, écrire un essai… Un choix personnel.
Dans certains passages de ce collectif, je sens sinon le dilemme, du moins la tension. Je constate que les auteurs non seulement lisent et analysent mais qu’ils écoutent, et comment ne pas leur en savoir gré ! Ils écoutent les voix sans nombre d’êtres humiliés et martyrisés qui ont échappé à l’extermination et qui parlent pour que nous ne puissions pas oublier. Eux qui, au-delà de la souffrance, ont trouvé et trouvent encore aujourd’hui le courage de vivre.
1. Sous la dir. de Christiane Kègle, Les récits de survivance, Modalités génériques et structures d’adaptation au réel, avec la collaboration de Richard Godin et la participation de Claudie Gagné, Karine Fortin et Émilie Martz Kuhn, Presses de l’Université Laval, Québec, 2007, 251 p. ; 30 $.
*Christiane Kègle est professeure titulaire au département des littératures de l’Université Laval.
Elle a publié :
Fiction et scriptibilité, L’exemple de Giono, Paratexte, 1989 ; trois ouvrages collectifs : Transmission du savoir analytique, Nuit blanche éditeur, 1995 ; Littérature et effets d’inconscient, Nota bene, 1998 ; Les récits de survivance, Modalités génériques et structures d’adaptation au réel, Les Presses de l’Université Laval, 2007. Et une trentaine d’articles en revues et dans des ouvrages collectifs (Études littéraires, Littératures, MSbius, Protée, Savoir, Tangence, Texte, Voix et images, Cahiers Anne Hébert, Frontières).
EXTRAITS
Une première définition des récits de survivance consiste à poser qu’ils correspondent à des productions narratives ayant une fonction testimoniale et des résonances identitaires liées à l’épreuve de la perte. Ces récits font appel au travail de la mémoire afin de reconstruire, en s’appuyant sur l’expérience du temps, ce qui a été perdu, déposé sous forme de traces dans le langage. Ils cherchent à édifier des passerelles entre le présent et un passé plus ou moins lointain. Ils s’enracinent dans le vécu expérientiel ou sensoriel d’un sujet récitant, puisent leurs matériaux dans le legs des morts.
Christiane Kègle, Récits de survivance, p. 9.
Dans le langage courant ce dernier terme [survivance] renvoie au maintien ou à la résurgence d’un état ancien, comme lorsque l’on parle de la survivance d’une coutume ou d’un privilège. Or dans les cas qui nous occupent c’est précisément le contraire que nous observons. Loin de chercher à retrouver un état antérieur jugé préférable, c’est l’état antérieur en tant qu’il perdure que l’on veut abolir et remplacer par un régime d’existence meilleur ou plus juste. Survivre ne veut pas dire ici recommencer à vivre au-delà d’une certaine durée balisée d’épreuves, mais vivre autrement d’une existence radicalement différente, modelée non pas sur un passé idyllique mais sur une rationalité marquée du sceau de l’idéal.
Roland Le Huenen, Récits de survivance, p. 70.
[N]e pouvant rien conte la mort, on érige des monuments, paroles ou pierres peu importe, pour baliser la continuité de la vie. Une telle dynamique est sans doute commune à tous les récits de survivance, ceux des collectivités comme ceux des individus. Le récit crée de la cohérence, non seulement dans son rapport à ce qu’il raconte, au réel perdu du passé, mais par rapport à ce qui est en train d’advenir, un tissu humain recomposé, un mode original de faire communauté. Conteur ou auditeur, un sujet y advient par la construction d’un espace symbolique qui prend ses matériaux dans les cimetières du passé et dessine ses plans les yeux tournées vers l’avenir. Dans l’entre-deux.
Raymond Lemieux, Récits de survivance, p. 230.