Quand ce texte, écrit aujourd’hui, le 7 janvier, sera publié, il y aura déjà plusieurs semaines que Bruno Roy sera disparu de notre paysage culturel, et, peut-être, déjà oublié, à la vitesse où tout passe et lasse en moins de 24 heures, en cette fin amnésique de notre civilisation humaniste.
Tout aura été rappelé des événements marquants de sa vie. Je n’y reviens pas.
Je me limiterai à souligner un fait qui parle intimement de cet homme incomparablement généreux, de cet écrivain engagé, dont les combats politiques, sociaux et culturels ont eu pour conséquence majeure de minimiser l’importance de l’œuvre littéraire, ignorée, évidemment, par l’institution du même nom.
Il ne s’en plaignait pas, mais en souffrait en son for intérieur. Il m’écrivait le 30 mars 2009 :
« ‘Oui, fou d’écrire parce que je suis sans génie et que j’écris quand même, je vous le jure ‘ (Ferron : La charrette, p. 81). C’est exactement ce que je pense de moi. Peu importe ce que l’on pense de moi, j’écrirai jusqu’à ma mort, cela je le sais. Sur le reste, je n’ai aucun contrôle. Comme le fait, à ce jour, de n’avoir jamais été dans une anthologie de poésie québécoise. Ça ne fait pas de moi un poète de troisième ordre. J’écris avec la confiance et les doutes qui croisent mon existence d’écrivain. Oui, il arrive que la confiance me vienne d’un courriel comme le tien qui met en perspective ce que j’ai fait de bien en écrivant. Pour cela, je te suis profondément reconnaissant ».
Toute réflexion sur l’écriture le fascinait. Peut-être était-ce l’objet de son roman en cours, La maison de l’éditeur, dont il me disait son espoir de l’avoir terminé « d’ici les fêtes », puisqu’il en avait déjà écrit les deux tiers, au cours de l’été 2009, passé, comme d’habitude, au lac Baker, lieu de son ancrage, ancré dans sa relation avec son épouse brayonne, Luce Michaud, décédée en janvier 2009, onze mois, jour pour jour, avant lui.
Bruno Roy, homme de fidélité, dans la vie et dans la mort.
Notice biographique :
Bruno Roy était un homme de parole et d’action. Dans les deux domaines son œuvre est considérable et a été couronnée de nombreux prix et autres marques de reconnaissance.
Écrivain, il publia plus de 30 titres : romans, essais et poèmes. Son dernier ouvrage, Les cent plus belles chansons du Québec, est paru à l’automne 2009. Il fut président de l’UNEQ à deux reprises pour des mandats de quatre ans chacun ; il mit sur pied le programme Copibec, participa à la fondation de la Maison des écrivains, milita en faveur du rayonnement de la langue française et de l’enseignement de la littérature québécoise dans nos écoles et collèges.
Lui-même enfant de Duplessis, considéré comme « arriéré mental », il prit la défense de celles et ceux qui avaient subi le même sort, en devenant en 1994 le porte-parole et le président du comité créé à cette fin. Il le demeura jusqu’à sa mort, survenue le 6 janvier 2010.