Olga Orozco est née à Toay, un lieu isolé, balayé par les vents, au cœur de la pampa argentine, en 1920. Elle fait partie de la génération d’écrivains que l’on a surnommée en Argentine la génération des années quarante. Peu avant sa mort survenue en 1999, elle a reçu le prestigieux Prix Juan Rulfo pour l’ensemble de son œuvre, où la poésie tient une place primordiale.
Le Prix Juan Rulfo, appelé ainsi en l’honneur du célèbre romancier et nouvelliste mexicain du même nom et décerné annuellement par l’Université de Guadalajara, couronne l’œuvre d’un écrivain de langue espagnole ou portugaise.
Olga Orozco a publié neuf recueils et des récits entre 1946 et 19951, sans compter les anthologies et recueils de sa poésie complète qui ont été édités depuis lors. On a dit de son œuvre poétique qu’elle est l’une des plus originales de la poésie latino-américaine de ce siècle et plusieurs critiques la considèrent comme étant l’une des meilleures poètes de langue espagnole du XXe siècle.
Bien qu’on l’ait associée au surréalisme, à cause de son évidente recherche de l’onirique et de sa transgression des frontières de la réalité, sa poésie portait un sceau très personnel dès les premiers recueils. Il s’agit d’une écriture qui a recours au divin, à la magie, à la cartomancie et à l’astrologie. En outre, le destin, le passé et le futur, le temps qui passe, la passion dans tous les sens du mot, la mémoire et la mort y trouvent une place prépondérante, donnant à sa poésie une tournure nettement lyrique et métaphysique. D’ailleurs les objets ne font sentir leur présence que très discrètement dans les poèmes d’Olga Orozco. Elle-même disait, dans une entrevue réalisée chez elle à Buenos Aires un an avant sa mort: « Je vais préférer la poésie lyrique, peut-être, à une poésie exclusivement conceptuelle. Mais une poésie conceptuelle peut également être très valable, s’il s’agit aussi de grande poésie ». Dans tous ses livres, on voit une évocation du déchirement, de la perte, des grandes questions de la place de l´homme sur terre. Les arts divinatoires, dont le contenu symbolique, et donc poétique, est indéniable, ont par ailleurs joué un grand rôle dans sa vie personnelle. Elle racontait que ses amis avaient peur d’aller chez elle parce qu’ils la croyaient capable de prédire l’avenir. Elle avait appris le tarot et s’était intéressée à l’astrologie dans sa jeunesse, ce qui a joué un rôle décisif dans l’élaboration de son œuvre ultérieure. On devine la présence du mystère, de l’inexplicable, que la poète avait l’art d’interroger dans presque tous ses poèmes.
La poésie d’Olga Orozco est rythmée par des vers de longue haleine, de longues phrases qui tiennent souvent de la prose. Le vocabulaire, par ailleurs, est aussi recherché que les métaphores et les images, choisies avec un soin méticuleux; rien à voir avec l’art minimaliste.
On a parlé de néo-romantisme à propos de son œuvre, à cause de la sensibilité à fleur de peau qu’elle dégage et du flot d’images qu’elle contient. On a évoqué sa touche magique, son ambiance sacrée. Son souci métaphysique a d’ailleurs quelque peu effacé une certaine tendance « confessionnelle », que les critiques reprochent souvent injustement à la poésie écrite par les femmes. D’ailleurs, Olga Orozco considérait que la poésie n’a pas de sexe, que le poète est quelqu’un « qui défie malgré lui parce qu’il est enfermé dans son moi, dans son époque, dans un monde limité ». Et puisque le temps et la mort sont des sujets omniprésents dans sa poésie, elle disait en entrevue, peu de temps avant sa mort : parfois ma crainte dépasse la limite et je ne peux plus avoir recours à l’humour, parce que j’avoue que j’ai peur de la mort malgré le fait que je sois une personne croyante, et malgré le fait que j’aie confiance en une existence après la vie. Jamais je ne penserais que le contraire de la vie soit la mort. Je crois que le contraire de la vie serait plutôt le néant. Pour moi, la mort constitue une autre étape, une autre vision sans doute. Mais une continuité. Alors, de quoi puis-je avoir peur, en tant que croyante ? Peut-être ai-je peur d’une métamorphose possible qui pourrait être aussi douloureuse que celle de la naissance. J’ai le sentiment que c’est vraiment de ça qu’il s’agit. Non, je ne veux pas croire que ce soit un doute secret ».
1. Desde lejos en 1946, Las muertes en 1952, Los juegos peligrosos en 1962, La oscuridad es otro sol (récits) en 1967, Museo salvaje en 1974, Cantos a Berenice en 1977, Mutaciones de la realidad en 1979, En el revés del cielo en 1987, Con esta boca, en este mundo en 1994, También la luz es un abismo en 1995 (récits), La noche a la deriva en 1995.
Olga Orozco a publié, entre autres :
La nuit à la dérive, poèmes présentés et traduits de l’espagnol (Argentine) par Claude Couffon, Indigo & Côté femmes, Paris, 2001.