On ne m’a jamais tiré dessus. Ainsi s’amorce Foudroyée, le deuxième roman de Grace O’Connell, qui vit et enseigne la littérature à l’Université de Toronto après avoir terminé une maîtrise en création littéraire à l’Université de Guelph. Début percutant donc, comme l’est la détonation d’une arme à feu.
Le roman met en scène cinq jeunes à l’aube de l’âge adulte, celui de faire des choix de vie, d’affronter le monde extérieur qui moud les illusions premières de l’enfance et de l’adolescence en déceptions au contact de la réalité. Raison suffisante pour ne pas vouloir quitter cet âge d’or et le cercle d’amis qui nous protègent. Pour l’heure Veda, le personnage principal du roman, Conrad, son frère avec qui elle partage secrets et complicité, Ted, le meilleur ami de ce dernier, ainsi qu’Al et Annie, de leurs vrais prénoms iraniens Altaf et Anwar, pour l’heure tous vivent encore dans l’insouciance, mais pointe à l’horizon une inquiétude naissante face à leur avenir, et l’espoir qu’ils feront mieux que leurs parents, que leur amitié saura les préserver de toutes formes de compromission. Ils se retrouvent entre amis dans un chalet, boivent plus qu’il n’est convenable, mais récupèrent encore rapidement de tous les excès. Chacun tente de trouver sa voie dans le monde adulte lorsque survient le choc, l’acte imprévisible qui, comme la foudre, s’abat sur eux. Veda quitte Vancouver, pour des raisons qu’il vaut mieux taire ici pour ne pas court-circuiter l’aspect rocambolesque du roman, et s’installe à New York, où elle s’est trouvé un travail comme audiologiste. Là, elle peut enfin se libérer de l’emprise de son frère qu’elle a jusqu’à ce jour protégé au-delà de tout ce qu’on peut exiger d’une sœur, de surcroît sa cadette. Dans ce roman, comme dansThe Little White Bird, où apparaît pour la première fois le personnage de Peter Pan, quitter l’enfance équivaut à affronter le monde et perdre ses illusions. Un monde où les parents sont absents, où les enfants doivent prendre soin d’eux et se protéger les uns les autres. C’est cette lourde responsabilité qui conduira Veda à quitter Vancouver pour aller vivre à New York, où elle espère se libérer de la charge et de l’emprise qu’exerce son frère sur elle. Mais, comme si nul ne pouvait échapper à son destin, comme si le désir même de s’envoler devenait impossible dès lors qu’on est adulte, Veda y fait un jour la rencontre de Peter Egon Juric, le double de son frère Conrad, qui monte à bord d’un autobus avec l’intention de tuer tous les gens qui s’y trouvent afin de les libérer de leur souffrance en leur faisant retrouver le chemin du pays imaginaire, ou ce qu’il imagine tel dans son esprit. À défaut de poussières d’étoiles pour les libérer, une charge de plomb fera l’affaire. Dès lors, tout vole en éclats, à l’intérieur de l’autobus où sont confinés des passagers terrorisés comme à l’extérieur où sont atterrés les passants et les amis de Veda. Une version sombre du personnage de Peter Pan, qui plane, peut-on dire, sur tout le roman, nous est ici proposée.
Le roman est construit en alternance. D’une part, la prise d’otages dans l’autobus et, d’autre part, ce qui se passe à l’extérieur, avant, pendant et après cet événement dramatique. Un huis clos opposé à la dispersion qui attend les protagonistes à l’aube de leur vie d’adulte. La construction du récit laisse par moments transparaître les structures de son échafaudage, mais l’atmosphère qui sourd de ce roman, tantôt ludique, tantôt dramatique, nous tient en haleine du début à la fin.
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