Après avoir présenté La promenade des ignorés (2011) puis Les anodins (2014), Gabriel Robichaud a décidé de prendre la route, peut-être en mémoire de Jack Kérouac, tout en faisant un clin d’œil à Acadie Rock, un recueil mythique en Acadie, publié en 1973 par un adolescent, Guy Arsenault.
Sur son chemin, il croisera quelques ignorés, des anodins, des paysages et des lieux, célèbres ou méconnus.
Une route qu’il nous présente chronologiquement au fil de son parcours. On lui demande : « [P]ourquoi t’es parti ? », à quoi il répond : « Je souris / Pogne les clés de mon char / Pis je pars ». À l’aventure, mais le long de routes choisies en fonction du périple des Acadiens : tour de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de la Gaspésie.
On est loin de la « visite » touristique. Robichaud parsème son parcours de courtes notations qui tiennent davantage de l’esprit des lieux, de ce qu’il en retient ou de son indifférence. Tout le charme du recueil réside dans ses multiples remarques, amusantes, amusées, tendres ou ironiques : « Dans la capitale provinciale [du N.-B.] / Le bilinguisme est fonctionnaire / Et la fonction publique / Pas toujours bilingue ».
L’auteur cherche à répondre à l’interrogation qui ouvre le recueil : « Tu viens d’où ? » Il part en se demandant : « C’est-tu un chemin / que t’es capable de suivre ? » Comme il se doit, il commence par la Nouvelle-Écosse, lieu de la première Acadie. Il rappelle également un voyage qu’il a fait en Louisiane : « À Lafayette / J’ai vu le jour après se casser / Et je me suis revu chez nous / Passer de déporté à porteur ». Ce dernier vers donne la clé du recueil. Sa quête identitaire oriente son regard.
Le paysage défile, qu’il transforme en mots dans sa langue : « Ma langue / parle / Elle parle / Minoritaire / Sans drapeau / Sans peuple uni ». De parcelle en parcelle, de bout de phrase en bout de phrase, Robichaud recompose son peuple, se recompose lui-même, affirmant sans colère ce qu’il retient du passé de son peuple et ce qu’il espère de son avenir. Car c’est de vie qu’il est question. Longtemps, trop longtemps, l’Acadie fut en mode survie, cherchant à résister à l’Anglais, à l’assimilation.
Aujourd’hui Robichaud peut revenir sur le passé et conclure qu’« [o]n fait notre chemin / Pour marquer quelque chose ». Ces deux vers sont tirés du « Manifeste diasporeux », coécrit avec Jean-Philippe Raîche. Ce poème de neuf pages qui clôt le recueil énumère les causes de la situation actuelle des Acadiens, tout en affirmant que l’unique solution pour vivre est de créer. Ces causes brossent le portrait de ce qui a été accompli et de ce qu’il faut accomplir dans un joyeux brassage d’idées, de concepts, d’actions, de faits, d’émotions et de remarques parfois ironiques.
Robichaud est un comédien de formation et un auteur dramatique (Le lac aux deux falaises, Prise de parole, 2016). Nulle surprise que ses textes s’inscrivent dans une poésie de l’oralité. Ils sont fluides et sonores, se prêtant aisément à la voix. Et, de plus, ils offrent une vision de l’Acadie qui est à la fois personnelle et représentative de la jeune mouvance acadienne.
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