Avec ce titre, la poète Stéphanie Filion fait paraître son premier roman. On y suit Jeanne lors d’un bref séjour au Liban, où elle fait une étude photographique sur les rites du deuil à Byblos.
Le roman entrecroise les impressions de la photographe sur le Liban contemporain et ses souvenirs malheureux et envahissants. Nous comprenons rapidement que cette femme dans la quarantaine porte non pasun secret, mais un inoubliable : « Je savais comment c’était de l’autre côté de la joie ». Parmi les nombreuses rencontres frappantes de ce voyage, ce sera surtout Julien, jeune judoka franco-libanais, qui permettra à Jeanne de se transformer.
Si plusieurs des scènes du roman s’avèrent très belles, les métaphores filées autour du changement, du renouveau, semblent parfois un peu lourdes. Malgré l’aspect intrigant de la mue que vit Jeanne pendant son séjour – elle perd sa peau comme un reptile –, l’image souligne peut-être trop fortement son désir de transformation. De la même façon, l’univers du judo s’avère intéressant au premier abord, ne serait-ce que pour ce magnifique titre qui est le nom d’un mouvement, mais le thème finit par être un peu trop appuyé, jusqu’à paraître plaqué à certains endroits. Si Jeanne ne distingue plus « le judo du désir », il est plus difficile pour le lecteur de faire la jonction entre ces deux sphères, le judo et le désir, et de bien ressentir l’ampleur de l’émotion que Jeanne ressent pour Julien.
Les passages les plus réussis sont ceux qui peignent un Liban à peine remis de la guerre où les festivités, la nourriture, les coutumes et les légendes contribuent à tisser le vivre-ensemble. La visite que Jeanne fera au père de Julien, retiré dans les régions montagneuses, est un des moments forts du récit et permet à l’écrivaine de conclure sur un échange culturel d’une grande simplicité et d’une grande justesse. Ajoutons la force de certains fragments isolés, comme des cartes postales faites d’accumulations de phrases courtes, qui mettent le récit en suspens et témoignent de la maîtrise de Stéphanie Filion pour la forme brève. C’est dans cette façon de nommer la terre étrangère que le récit devient particulièrement incarné, comme si les photos de Jeanne se mettaient en mouvement.
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