Le nouveau roman de Lise Tremblay nous donne rendez-vous avec une petite fin du monde.
Le narrateur, Benoît, habite un chalet sur le bord d’un lac dans la réserve faunique pas très loin de Chicoutimi. À la retraite, il passe l’essentiel de son temps à s’émouvoir douloureusement, comme si chaque jour était le dernier, de la beauté du paysage en écoutant de la musique classique. Son seul souci est son chien auquel il reste très peu de temps à vivre. Quotidiennement, il échange quelques phrases avec Rémi, homme à tout faire du village, marche jusqu’au chalet de Mina, une vieille femme malade qui refuse de se soigner et dont il admire la force et la lucidité. Tous sont inquiets par le climat qui règne au village en cette période de chasse. Car la bande de Stan Boileau, un chasseur sans scrupule qui contrôle le territoire, a décidé d’éliminer la meute de loups qui attaquent les orignaux, cependant que le garde-chasse est résolu à arrêter Boileau.
Dans ces quelques mois d’automne et de début d’hiver, le passage des jours est rythmé par cette ambiance pesante, où les progrès de la maladie du chien, l’angoisse existentielle de Benoît, le choix de Mina de se laisser mourir, la décision d’Odette, l’amie vétérinaire de Benoît, de vendre sa clinique, accompagnent la montée de la tension que génère le climat délétère de la chasse. Chacun est au bout de quelque chose, se tient sur le seuil d’une autre vie ou d’une petite mort tranquille. Mais un personnage détonne : Carole, la fille de Benoît, qui vit à Chicoutimi. Elle a 32 ans, elle vient de se faire enlever les seins, car elle ne voulait pas de sexe apparent, rien qui dépasse. Ex-clocharde, diagnostiquée psychotique, elle est ainsi heureuse pour la première fois de sa vie et, par téléphone, elle rend compte à son père des progrès de sa réinsertion sociale. Dans ce roman doucement crépusculaire, qui glisse mélancoliquement dans le désastre, Carole indique la possibilité d’un autre monde. C’est bien un livre de son temps qu’a écrit Lise Tremblay, pour le meilleur et pour le pire.