Qui sont les Lalancette, cette « famille presque normale », dont le lecteur découvre les membres au fil des pages ? Mais d’abord, qui sont les créateurs – ou plutôt les créatrices – de ces personnages ? Monique Juteau, romancière et poète, a publié en 2010 aux Éditions d’art Le Sabord le recueil de nouvelles Un pied dans le vide et a participé à de nombreux livres d’artiste. Fontaine Leriche est une artiste multidisciplinaire qui a réalisé une extraordinaire ménagerie de « toutous » lors d’une résidence à la Galerie d’art du Parc. L’écrivaine et l’artiste ont uni leurs talents pour « engendrer » les Lalancette, comme le montre l’arbre généalogique dessiné sur la page de garde.
Même si le livre se termine par une révélation comme dans les comédies de Molière, c’est du théâtre de l’absurde que cette œuvre se rapproche le plus. Le décor tient une place très importante, ce dont témoignent les titres des trois premiers chapitres : « Le domaine des Lalancette vu de la barrière », « La partie boisée », « Le conteneur et autour ». Le lecteur a quand même rencontré au passage Grégoire dit Ti-noir, qui a abandonné sa Camaro dans la talle de framboisiers, Will, « le plus membré du clan », Gilles la mélangée, Rémi, l’aîné, qui y a remisé la soucoupe d’un manège, et Gérard, le mari de Léonie, qui a entreposé la tour FL près du conteneur décoré par Pablo-Paul, artiste postmoderne. L’événement qui rapproche les membres de la famille est la mort de la mère, Léonie. « L’avis de décès » est une remarquable réussite tant sur le plan visuel que sur celui du style. L’auteure a employé les formules usuelles dans ces circonstances, mais le lecteur a la surprise de lire que Léonie « laisse dans le deuil ses trois chiens adorés ». La page est bordée de noir comme un faire-part. La photo de famille est transposée sous la forme d’un dessin où chaque personne est identifiée avec son nom. À la place de Marjolaine, surnommée « La jamais-là », Fontaine Leriche a inscrit une croix rouge. Aux pieds de Rémi, un inquiétant cafard symbolise sa folie. L’accident qui a causé la mort de Léonie est raconté par Monique Juteau comme si elle vivait les derniers instants de son personnage et le dessin de Fontaine Leriche en transcrit toute l’étrangeté. Il s’ensuit une série d’événements improbables dont les héros sont représentés dans une étonnante galerie de portraits.
L’humour est omniprésent dans le livre, mais la sensibilité s’y manifeste aussi dans le soutien que les enfants apportent au père en deuil. Voilà un exercice de virtuosité à quatre mains parfaitement réussi.
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