Sem terra, c’est le surnom de Gabrielle Rochefort, personnage central du polar écologiste de Marie-Ève Sévigny ; c’est aussi le nom du mouvement des travailleurs ruraux sans terre du Brésil. Rochefort est une militante, une activiste, que ses adversaires qualifient de terroriste écologiste. Sortie de prison après un coup d’éclat devant la propriété d’un ministre, elle se rend sur l’île d’Orléans où elle travaille avec un groupe de saisonniers mexicains. Exploitation des travailleurs et des ressources naturelles, racisme, capitalisme sauvage, voilà une série de thèmes au centre du récit. Mais c’est sans oublier ce qui en est peut-être le cœur : la corruption.
La trame est habile, les choix narratifs efficaces et l’intrigue tient en haleine. Les intervenants étant très nombreux entre la population de l’île, les joueurs politiques et économiques, les nombreux policiers mêlés à l’enquête, par moments la multiplication des trames secondaires nous égare un peu. Mais c’est surtout la qualité de l’écriture de Marie-Ève Sévigny qui nous happe, particulièrement dans les passages narratifs qui sont plus réussis que certains dialogues peu vraisemblables. Il semble improbable, par exemple, que qui que ce soit utilise l’expression « graisser la patte », à la première personne comme dans la réplique d’un attaché politique corrompu : « Je me suis fait graisser la patte plus souvent qu’à mon tour… » Même dans l’intimité, les voleurs à cravate conservent probablement une certaine langue de bois pour se mentir à eux-mêmes sur leurs intentions.
Mais il s’agit de détails qui ne ternissent pas la lecture. Le dénouement de l’intrigue, bien qu’un peu improbable, a le mérite de contourner la plupart des clichés du genre. Parlant de clichés, Marie-Ève Sévigny parvient aussi à présenter des points de vue et des idées sans que ceux-ci transforment son récit en roman à thèse. N’empêche, il est difficile de ne pas acquiescer quand l’auteure écrit qu’il « arrive un moment où ce n’est plus le crime qui devient le plus difficile à avaler, mais l’arrogance de son modus operandi ».
Voilà qui résume bien la proposition : il s’agit d’un polar sur l’arrogance où la justicière la cultive autant que ses ennemis.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...