Le titre de ce recueil d’essais, de discours et de préfaces, écrits par Paul Auster sur une période de plus de 30 ans, renvoie à George Oppen et à sa pipe de maïs, pour nous rappeler que l’essentiel, dans la vie comme en littérature, réside souvent dans l’ordinaire, comme il nous l’a souvent brillamment démontré dans ses romans. En ouverture, Paul Auster rend hommage à l’ami poète disparu, plusieurs années après que ce dernier est mort et qu’Auster a retrouvé le texte qu’on lui avait alors commandé. Non seulement Auster avait-il oublié ce texte, mais l’identité même du demandeur lui était inconnue lorsqu’il l’a retrouvé. On le voit, on nage ici en plein univers austérien, tant dans les faits racontés que dans la manière dont ils le sont. Le romancier n’est jamais bien loin. Dans ce texte, Paul Auster revient sur la longue entrevue réalisée avec George Oppen au moment où le poète était atteint de la maladie d’Alzheimer. Malgré les maladresses soulevées par Auster lui-même, cet hommage demeure touchant tant par son côté inachevé que par le sentiment de réelle amitié qui le traverse. Il donne en quelque sorte à la fois la couleur et la clé de lecture des pages qui suivent et qui brossent à leur manière une constellation de l’univers cher à l’auteur de La musique du hasard par les thèmes qui y sont abordés. Celui consacré à Nathaniel Hawthorne nous plonge au cœur de l’une des œuvres les moins connues de ce dernier, écrite au moment où il était seul avec son fils alors âgé de cinq ans, et qui révèle, au-delà du titre enfantin qui la coiffe, Vingt jours avec Julian et Petit Lapin, selon papa, des enjeux narratifs et esthétiques jusque-là négligés. « Si fastidieux et si pesant que pût être ce compagnonnage incessant avec un gamin de cinq ans, écrit Auster, Hawthorne est resté tout au long capable de regarder son fils assez souvent pour saisir quelque chose de son essence, pour le faire vivre par les mots. »
Vivre par les mots. Tel est également l’angle par lequel Paul Auster aborde les autres textes consacrés notamment à Edgar Poe, à Georges Perec, à Jacques Dupin. Celui qu’il consacre à ce dernier sera également l’occasion de rappeler l’amitié qui lia les deux hommes, l’arrivée de Paul Auster en France, sa rencontre avec Samuel Beckett, Alain Robbe-Grillet, Jean-Paul Riopelle. À l’occasion d’un entretien accordé à The Paris Review, Paul Auster revient sur ses débuts en écriture, sur son indéfectible foi dans l’avenir du roman, lieu de toutes les libertés, mais également sur les doutes qui l’habitent : avancer lentement à tâtons vers la lumière. Comme il l’indique, écrire est une activité qui incite à l’humilité. Les lecteurs fidèles de Paul Auster ne découvriront sans doute pas de nouveaux aspects de son œuvre, mais ils renoueront, sous diverses facettes, avec ce même plaisir de remarquer des choses qui leur avaient peut-être jusque-là échappé. Comme le rappelle Auster, c’est l’inutilité même de l’art qui lui confère sa valeur.
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