Le nid de pierres. Le titre, dont la signification ne nous sera révélée que vers la fin, aiguise aussitôt notre curiosité. Il évoque à la fois l’endroit où la vie éclot et le désir de communiquer avec des êtres chers disparus. Un lieu à la fois douillet et rude, l’auteur aimant jouer avec les contrastes. Vie et mort sont ici réunies, indissociables, comme le passé et le présent qui tissent la trame du destin de chacun des personnages de ce roman aux couleurs tantôt réalistes, tantôt magiques avec l’insertion de fragments de légendes abénaquises. La mémoire, autant individuelle que collective, s’avère le socle du récit qui nous est livré par bribes : « La mémoire. On a l’impression que le passé se recouvre peu à peu d’une poussière qui en efface les contours, on est continuellement déçu d’elle, la mémoire, parce qu’elle ne redit que par bribes les événements d’il y a quelques années, comme un corps de métal immergé, rongé par la rouille et qui, une fois sorti des eaux, raconte à grand-peine une histoire trouée ».
Cette histoire trouée relate les retrouvailles de Thomas et de Laure qui, après s’être perdus de vue au début de l’âge adulte, se redécouvrent et décident de retourner vivre sur les lieux de leur enfance à Saint-Denis-de-Brompton, l’endroit idéal pour, à leur tour, donner naissance à un enfant et s’inscrire dans le cycle de la vie. Scénariste, Thomas peut travailler de chez lui n’importe où ; Laure, pour sa part, se trouve un emploi dans une bibliothèque à Sherbrooke. On baigne ici dans les livres : ceux qui se trouvent dans les cartons du jeune couple, celui que tente d’écrire Thomas, ceux que catalogue Laure, sans compter la bibliothèque de l’ancien curé qui regorge de trésors oubliés comme ces légendes abénaquises qui ponctuent le récit et le hissent par moments à un niveau métaphysique. Là réside la force du roman, dans cet équilibre entre la recherche légitime du jeune couple de faire son nid quelque part et le passé qui sourd des souvenirs rattachés au lieu de l’enfance. Ce retour leur réserve toutefois maintes surprises. Thomas voit peu à peu son passé le rattraper et ne sait comment y faire face. Ce qu’il avait cru avoir réussi à fuir (souvenirs de famille douloureux, disparition inexpliquée d’un camarade de classe) revient le hanter. Et, cette fois, aucune esquive ne lui sera permise.
Voilà le cadre mis en place par Tristan Malavoy dans ce premier roman à partir duquel il fait évoluer ses personnages selon une trame découpée comme un scénario de film ou de série télévisée, ce à quoi s’efforce de travailler Thomas dans le roman. Une autre opposition prend ici forme, réalité et fiction, et teintera le rythme et le déroulement du récit qui se développe sur une vingtaine d’années. Fort réussi dans son ensemble, le roman aurait peut-être gagné à être plus économe de dialogues afin de libérer le texte d’une part de réalisme qui, par moments, porte peut-être ombrage à son aspect plus fantastique et métaphysique. Sans doute est-ce là un choix d’auteur qui se défend, et qu’il faut respecter.
LE NID DE PIERRES
- Boréal,
- 2015,
- Montréal
253 pages
22,95 $
Loading...
Loading...

ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...