C’est un roman puissant, en circuit fermé, sombre mais touchant, que nous offre Julien Suaudeau. L’auteur, qui en est à son deuxième ouvrage, s’intéresse ici à la détresse de jeunes vivant de petits boulots dans une France froide et ténébreuse.
L’histoire débute à Évreux, dans une Normandie où le soleil trouve rarement refuge. Et elle finit en Syrie, dans le chaos infernal des combats djihadistes, où le nihilisme le dispute à la déraison.
Le narrateur et protagoniste du roman se laisse glisser dans une fluidité de plus en plus morbide d’événements qui semblent échapper à sa volonté. À Évreux, il est un petit salarié sans perspectives, lié à des camarades fils d’immigrants, et subit la violence de son beau-père : un déchaînement d’énergie qui tranche singulièrement avec son apparente passivité, qui est aussi un trait de sa mère, à laquelle il est grandement attaché malgré tout.
Son seul rayon de bonheur est la présence furtive de Stéphanie, une fille de son bled qui semble s’intéresser à lui, même si on comprend que le sentiment du narrateur est plus une île fantasmée qu’une idylle partagée.
À la faveur de petites magouilles visant à amasser rapidement de l’argent, on lui offre d’aller au Mali, à Bamako, pour faire l’entretien informatique d’un petit commerce qui s’avère un paravent à de louches manœuvres.
Instrumentalisé par les services secrets français, il part en Syrie et trouve une raison de vivre à tenir compagnie à une jeune femme toute voilée, emprisonnée et condamnée par les djihadistes locaux. Ces derniers le forcent ni plus ni moins à jouer un rôle d’exécuteur d’otages, ce qu’il fait à visage découvert, et ses funestes actions se retrouvent partagées sur Internet. On le surnommera Le Français, et il sera dorénavant connu de la planète entière comme un assassin sadique.
Comment ce jeune homme, apparemment si doux et réservé, en est-il arrivé là ? Dans une lettre touchante adressée au père qu’il ne voit plus pourtant depuis des années, à la toute fin de son parcours trouble, il apporte une piste d’explication, en lançant ce bouleversant cri du cœur : « […] vous m’avez tout pris : l’amour, la beauté des lendemains, vous avez tout fracassé […] je suis là, je suis là, je suis là. Est-ce que tu m’entends, papa ? Je ne suis pas une petite chose ».
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