Selon le vieil adage, les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Pourtant, le titre du dernier recueil de Diane-Ischa Ross, Les jours tigrés, nous amène à croire le contraire. Les jours y passent comme des chats de ruelles, tous semblables les uns aux autres, certes, mais nous réservent quand même de nombreuses surprises.
C’est en effet l’impression que peut donner la forme du recueil : les poèmes s’enchaînent, assez uniformément tant dans la forme que dans le ton. Mais ce n’est qu’un leurre, car on entre dans un univers où nous attendent, tapies dans l’ombre, des images d’une grande puissance qui surprennent à plusieurs détours. On est en plein surréalisme, mais celui-ci n’a rien de gratuit. Les images, plutôt éclatées, vont peut-être dans tous les sens, mais l’impression qu’elles nous laissent, elle, demeure cohérente du début à la fin.
Dès la première partie du recueil, « Les espérances », on retrouve l’enfant qui aspire à une vie meilleure, comme « ceux-là qui […] devinent et rêvent le signal jaune maïs ». Cet enfant ne sait plus où mettre ses morts et il s’explique leur disparition à sa manière : « Peut-être il s’évade vers les petites choses noires / façon oiseau », « Il s’est changé en prunier sauvage », « Protégés par l’ombre portée des choses / ils pollinisent ». La deuxième partie, « La langue labourée d’orties », s’ouvre sur les tabous de la mère et sur « les arbres de honte / [qui] reculent la joie jusqu’aux os ». Mémoire et nostalgie s’y côtoient, avant de se fondre dans « de grands draps noirs / [secoués] dans le soleil froid ». Dès le début de la troisième partie, « Ce qui s’arrache muet », une certaine violence s’impose : « Les mots écrits avec des clous […] soulagent ouvrent un chenal ». Malgré la difficulté d’« écrire sur tout ce qui refuse », la parole finit par offrir une certaine libération à celle qui a fait « tout ça pour sortir neuve comme / un animal à la fin des neiges ».
En somme, malgré un foisonnement de métaphores pas toujours des plus faciles à suivre et des pronoms aux référents souvent énigmatiques, ce recueil demeure très riche sur le plan des images. Il suffit de se laisser porter d’un poème à l’autre et de cueillir ce qui, en se révélant dans toute sa force, éclipse le superflu.
LES JOURS TIGRÉS
- Triptyque,
- 2015,
- Montréal
102 pages
17 $
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