« Plus de douze années se sont écoulées depuis que ma mère a décidé de mettre fin à ses jours. Elle avait 92 ans. » Ainsi débute le récit de Noëlle Châtelet, la suite à La dernière leçon parue en 2004 chez le même éditeur dans laquelle elle relate comment sa mère l’amènera à comprendre, puis à accepter sa décision. Décision d’une femme qui aime on ne peut plus la vie et qui, confrontée à la multiplication des pertes physiques qu’elle note dans un carnet, n’accepte pas la perspective de finir ses jours dans un mouroir, d’être à la charge de ses enfants, de la société, de n’être plus que cela : une charge, un poids. Sa vie durant elle aura lutté pour le libre choix des femmes d’avoir ou non des enfants, de les mettre ou non au monde. Le dernier âge venant, elle poursuivra sa lutte et revendiquera le droit de mourir dignement, de mourir debout comme elle le clamera à un médecin tentant de la convaincre de s’abandonner à une volonté autre, d’abdiquer en quelque sorte tout ce en quoi elle a cru et lutté au cours de sa vie. On imagine sans peine l’intensité de cette dernière leçon, autant pour celle qui la prodigue que pour ceux qui la reçoivent, l’attachement et le déchirement devenant ici inséparables, indissociables. Mais c’est avant tout une leçon de vie qui sourd de cette leçon. De vie et d’amour inconditionnel. Et de respect pour une décision qui échappe à notre volonté et que, pour un grand nombre, on ne partage pas.
Le récit de Noëlle Châtelet est d’une grande sobriété et d’une grande justesse. Après avoir une première fois refusé que son livre soit porté à l’écran, voilà qu’une réalisatrice, Pascale Pouzadoux, la relance douze ans après la sortie du livre. Une première rencontre a lieu, la confiance semblera tout à coup possible, voire indispensable pour poursuivre le combat entrepris par la mère et repris par la fille. Si film il y a, il devra respecter l’esprit du livre, coller au plus près à la dernière leçon. Entente il y a entre les deux femmes et s’amorcent les préparatifs du film et l’écriture de ce second récit, avec davantage de distance cette fois. Et c’est sans doute là que réside l’intérêt de ce second récit en ce qu’il met en lumière la difficulté de s’abandonner à nouveau entre d’autres mains pour poursuivre le combat de la mère, accepter que les images portées à l’écran soient à la fois fidèles et différentes que celles gardées en mémoire, différentes des mots arrachés l’un après l’autre d’une expérience douloureuse. C’est une grande leçon de vie et de cinéma qui nous est livrée. « Le message du film, conclura Noëlle Châtelet, est bien celui que je voulais faire passer à travers mon récit : un film sur la liberté, la maîtrise de sa vie jusqu’à l’ultime liberté. » Dans les deux cas, le résultat est concluant et ne pourra qu’enrichir un débat qui doit être poursuivi en respectant le désir des uns et les réticences des autres.
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