Écrire pour comprendre, écrire pour se comprendre, à la recherche, version après version, de la musicalité de la phrase. Viser la perfection formelle, objet de l’art littéraire. Mais l’idéal imaginé n’est jamais atteint, vous dira modestement Lise Tremblay. N’empêche, la réception de son œuvre, notamment de La danse juive (Leméac, 1999, Prix du Gouverneur général), de La héronnière (Leméac, 2002, Grand Prix du livre de Montréal) et de La sœur de Judith (Boréal, 2007), témoigne d’une qualité littéraire remarquable, et remarquée.
Dans la vie, la femme est enjouée, encline à l’humour et à l’autodérision, laissant à l’écrivaine l’exploration de thèmes empreints de gravité, comme la mort et la folie, auxquelles elle consacre sa plus récente parution, Chemin Saint-Paul : mort d’un père tendrement aimé, qu’elle accompagne pendant la durée de son séjour dans la chambre bleue de la maison de soins palliatifs, jusqu’au moment ultime ; folie d’une mère qu’elle retrouve, un an plus tard, dans la chambre blanche d’un hôpital psychiatrique et qu’elle aidera ensuite à emménager dans une résidence à Chicoutimi. Sujets lourds s’il en est ? Non. Touchants, tels que traités dans ce récit, avec sensibilité et retenue. Car, après avoir revu à rebours la vie de ses parents, recueilli des confidences de l’un et remonté à l’origine de la folie de l’autre, folie qui la tourmente depuis l’enfance, l’écrivaine a pu consciemment choisir le chemin Saint-Paul. Lieu où vivait la famille du père marquée par des épreuves et une grande pauvreté, mais où l’amour et le rire trouvaient place. Souvenirs heureux pour la narratrice que ceux de la maison du chemin Saint-Paul. Tandis que du côté maternel, c’était l’amour refusé, la violence et la peur. L’écrivaine, qui avoue dans son récit avoir détesté sa mère, laquelle ne semble pas davantage avoir compris sa fille qu’elle avait étiquetée « enfant difficile », en arrive toutefois à pouvoir s’en occuper avec compassion, alors que la femme au stade de « l’agonie de l’esprit » a perdu son mari protecteur.
Chemin Saint-Paul est une incursion dans un univers intime qui rejoint le cœur de la vie. L’écriture ciselée de l’auteure contribue à l’émotion du texte, sans les débordements du pathos auxquels auraient pu se prêter les thèmes abordés.