Difficile de faire le tour du roman de Rachel Kushner. À cause d’abord de sa structure, qui mélange les lieux et les époques. On passe de l’Italie fasciste des années 1930 à l’Amérique des seventies éprise de vitesse ; du terrorisme des Brigades rouges à l’underground artistique new-yorkais. S’ajoute à cette difficulté l’ambition de l’auteure de faire entrer en résonance les thèmes du temps et de la vitesse, de la création et du terrorisme, des inconstances du cœur et de la fatalité du destin. Tentons tout de même un résumé.
Nous sommes au milieu des années 1970. Reno, une jeune femme originaire du Nevada, passionnée de moto, est sacrée championne mondiale de vitesse sur une moto Valera. Elle signe avec la compagnie un contrat de publicité qui devra l’amener plus tard en Italie. Après son exploit, elle vend sa moto et déménage à New York pour réaliser un rêve : se faire un nom dans le monde des arts visuels.
Au gré de ses errances new-yorkaises, elle rencontre un homme dont elle s’éprend. Sandro, de 20 ans son aîné, est un artiste à succès qui expose des boîtes en aluminium dans une galerie renommée. Il est également – ô surprise ! – héritier de la fortune Valera. Sandro l’introduira dans un cercle d’artistes excentriques, flamboyants, exaltés par la représentation du banal et de l’éphémère. Mais pour des raisons jamais expliquées, Reno abandonnera ses projets de création pour n’être plus que la « compagne » de Sandro.
Au moment de se rendre à Milan pour remplir ses engagements auprès de la firme Valera, Reno le convainc de l’accompagner. Mais Sandro a depuis des lustres rompu les liens avec sa famille à cause du passé fasciste de son père. Le couple s’installe néanmoins pendant quelques semaines dans la villa familiale près du lac de Côme. Peu de temps après leur arrivée, Reno découvre que Sandro la trompe. Blessée dans son amour propre, elle fuit les lieux avec le chauffeur de la maison, Giani, qui se révèle être membre des Brigades rouges. À Rome commencent entre eux une vague romance et une vie semi-clandestine. Le roman s’achève au moment où Reno et Giani franchissent la frontière franco-italienne et où leurs chemins se séparent.
La qualité de l’écriture, la force des images et l’intelligence du propos auraient dû suffire pour nous séduire. Or, il n’en est rien. Même en ne lui faisant pas grief d’une intrigue trop ambitieuse et parfois cousue de fil blanc, ce qui déçoit, c’est qu’aucun des personnages n’est habité, aucun n’a de passé, aucun n’a de vie intérieure. Ils sont saisis dans un immédiat qui n’éveille chez eux – et chez le lecteur – aucune émotion. Au bout du compte, le lecteur se retrouve devant un exercice littéraire brillant, mais vide. Rachel Kushner a sans aucun doute l’étoffe d’une bonne, peut-être même d’une grande écrivaine. Mais il faudra attendre son prochain ouvrage pour en être pleinement convaincu.
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