Si dans son précédent recueil, Manuel de poétique à l’intention des jeunes filles, Carole David s’intéressait plutôt à ce qui fonde une voix, à ce qui en marque le commencement, dans L’année de ma disparition, elle en convoque la fin. Fin aussi du sujet qui écrit, de l’autre, d’un couple, d’un monde, du passé. Se situant après cette mort, les « poèmes ont pris des formes extravagantes » et « des objets étranges sont apparus ».
Les poèmes sont autant de scènes de rêves, et chaque vers une micro-histoire. Comme une suite de photographies, mais de photographies qui auraient été prises en dormant. Le sens nous échappe, bien évidemment, la poète tenant « la phrase en orbite ». Autour de quoi ? De qui ? La poésie de Carole David omet volontairement l’essentiel, l’asphyxie, à moins que, tout simplement, l’essentiel ne fuie. Voilà donc l’histoire d’un sujet qui ne peut plus se dire sans mourir à nouveau. La vérité, s’il en est une, réside peut-être dans ce rêve qui, par une sorte de renversement, matérialise ce qui autrement n’existait plus.
À cet onirisme, se mélangent des morceaux de réalité : lieux connus – motel, bords d’autoroute, placard, etc. –, objets issus du quotidien, moments d’abandons, d’errance provenant du passé. D’un point de vue purement esthétique, cela donne de curieux et saisissants poèmes que l’on ne se lasse pas de relire. Ils forment un univers violent, où les couteaux et les barbelés viennent faire saigner la chair du poème et donner corps à l’évanescence.
« Je n’existe pas, je fabrique des poèmes », écrivait Christophe Tarkos, que cite la poète. Et chez Carole David, ces poèmes sont des dépouilles laissées derrière elle. Mais aussi et surtout le lieu d’une métamorphose.
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