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HIKIKOMORI
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Orné en couverture d’une belle illustration de Gregory Ozouian, le roman Hikikomori se situe entre une analyse sociologique du phénomène du même nom et un récit de découvertes, dans tous les sens du terme. Ainsi, Josée Marcotte navigue entre un essai sur la dépendance maladive et dévastatrice à des jeux vidéo et un roman hyperréaliste au chassé-croisé échevelé.
Un dictionnaire demeure indispensable pour apprécier cette quête où foisonnent concepts et vocabulaire japonais, dont le titre n’est que la pointe de l’iceberg. Des exemples : un manga est une bande dessinée japonaise ; un anime, un film d’animation japonais ; et l’hikikomori, une pathologie psychosociale touchant surtout de jeunes adultes japonais, notamment des garçons, qui vivent cloîtrés chez eux, avec comme seul contact l’Internet, et qui refusent toute communication avec leurs proches. Le lecteur démuni devra se familiariser avec les expressions connues des professionnels des jeux vidéo, des mangas et des animes, justement.
Tout commence avec le suicide de Marc, frère jumeau de Marie, qui s’envole à Tokyo pour comprendre ce qu’est la maladie d’hikikomori. Elle espère rencontrer les gamers (adeptes de jeux vidéo) japonais qui jouaient avec lui le jour de sa mort et faire la paix avec sa disparition. « Marc n’est plus là, je le sens encore plus près de moi. J’ai l’âme engourdie par son fantôme. »
Entre ses lectures de la bible des gamers, le Heike monogatari ou Dit des Heike, et ses comparaisons avec le film-culte Lost in Translation de Sofia Coppola, Marie côtoie Kengo, Mei et Azumi, qui l’aident à pénétrer l’âme millénaire de Tokyo. De jeunes témoins, étouffés par les pénibles traditions ancestrales du Japon, sont happés par la douleur d’une vie trop lourde pour eux. « Et la vie est quoi ? Pourquoi la vie ne serait-elle pas ici, dans cette chambre ? Pourquoi la vie serait-elle ailleurs ? »
Josée Marcotte lève le voile sur un monde étonnant, fort peu connu, et sait le décrire avec simplicité et justesse. Et beaucoup d’amour, peut-on penser. On s’attache à ses personnages blessés par des codes et des coutumes qu’ils ne comprennent pas, dont ils ne veulent pas. Si l’entrecroisement rapide des protagonistes demande une attention soutenue de la part du lecteur, le difficile environnement d’hikikomoris tokyotes, dévoilé dans le récit, vaut vraiment le détour.
On dit de la jeune auteure qu’elle est une passionnée de mots et d’imaginaire. Elle a déjà publié Les Amazones, en 2012, chez le même éditeur, et obtenu une mention spéciale du prix Piché de poésie 2012 pour « Les mots sont verbe », publié dans le collectif Poèmes du lendemain, édité par les Écrits des Forges.