Qui aime la poésie d’Hélène Dorion appréciera cet essai, car il poursuit sans véritable rupture le questionnement philosophique, politique et humain au cœur des textes poétiques. Le lecteur y trouvera aussi ce désir de transparence, cette absence d’ironie qui caractérise l’œuvre de la poète. D’abord publié chez Leméac et à La Différence, en 2003 et 2005 respectivement, le livre (augmenté) regroupe une vingtaine de courts textes lus publiquement ou parus dans divers ouvrages collectifs et revues, ainsi que des entretiens réalisés avant et après 2005.
Chacun des textes réfléchit sur l’élan qui fonde l’œuvre. Depuis L’intervalle prolongé, publié en 1983, la poète n’a cessé d’« interroger l’énigme que nous sommes pour nous-mêmes ». Mais plus que cela, elle aura cherché, par la poésie, à s’unir à l’univers, à recréé une continuité rompue, à refaire en somme le passage vers l’autre. Si Hélène Dorion parle à plusieurs lecteurs, c’est sans doute parce qu’elle tend vers eux. Et parce qu’à la différence de tel auteur qui ne ferait que constater la destruction et la douleur du monde, la poète, sans les nier, forme un projet d’espérance contre l’absurdité. Elle dira en outre du grand cinéma qu’il « redonne à l’humain ce que le monde moderne ne cesse de lui retirer » : l’existence même derrière l’image préfabriquée, comme dans Les ailes du désir de Wim Wenders qui, par ses anges, rend visible l’invisible. Hélène Dorion replace donc le poète, et plus largement l’artiste, au milieu des autres humains, et leur redonne toute l’importance politique et sociale qu’ils devraient avoir aujourd’hui. Car l’artiste a un rôle à jouer dans ce monde privé d’absolu. À la manière de Rilke dont elle admire l’œuvre, elle tente d’approcher et de communiquer « cet infini qui résonne en toute chose ».
Et les mots, ne font-ils pas écran dans cette relation avec l’autre ? La poète croit au contraire « au pouvoir de la langue » de « déchiffrer » l’autre. Les mots « brûlent dans l’espace des possibles et les révèlent un à un ». Cette vision sans doute quelque peu idéaliste parle surtout d’un désir de réconciliation, de l’un avec l’autre, mais aussi du mot avec la chose. Car bien sûr, « l’état de séparation est à l’origine de l’écriture ».
Écrire sur la poésie peut devenir un piège, comme tout métadiscours. En disant ce qu’elle est ou ce qu’elle devrait être, on risque de la rendre prisonnière de concepts. Selon l’auteure, le doute fait partie intégrante de la réflexion, mais il n’en sera pas un obstacle. Écrire la beauté, vivre, aimer, sans s’interrompre, jusqu’à la fin.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...