Il faut dire d’emblée qu’Un garçon flou d’Henri Raczymow est une réécriture ouvertement délibérée, assumée, de L’éducation sentimentale de Flaubert. Cette version joyeusement transposée dans l’univers de Mai 68 a pour personnage principal un jeune homme de vingt ans (Richard Federman, à l’instar de Frédéric Moreau). Habitant avec sa mère la proche banlieue parisienne, il étudie les lettres à la Sorbonne.
Raczymow, professeur de littérature et essayiste, s’est beaucoup intéressé à Flaubert durant sa carrière. Dans son dernier roman, il y fait largement référence en portant un regard amusé et distancié sur sa jeunesse. Son héros, qu’on ne peut s’empêcher de rapprocher d’Antoine Doinel (personnage de François Truffaut), pense à ses futures œuvres littéraires. Il est détaché de la vie. Cette caractéristique, qui serait peut-être propre aux écrivains, fait de lui « un garçon flou ». En effet, aucun domaine, que ce soit l’amour, la politique ou ses études, ne lui permet d’adhérer au monde. Richard s’intéresse à la fois à quatre femmes différentes, dont sa directrice de thèse et l’épouse d’un boutiquier (madame Arnoux ?), et ses histoires sentimentales interfèrent avec son enthousiasme pour sa thèse (sa recherche porte sur « l’asyndète flaubertienne ») et la révolution. Déphasé, le personnage ne semble pas vivre dans le présent, ce qui donne lieu, chez lui, à des observations décalées. Par exemple, en pleine manifestation, son rapport à la politique prend cet aspect : « Je trouve qu’elle agite très élégamment l’étendard de la révolte » !
Cela dit, il ne s’agit pas d’un roman qui marque ou qui bouleverse le lecteur. C’est surtout le ton qui compte, faisant de ce livre un texte drôle, léger et assez agréable à lire.