La sentence péremptoire qui donne à ce livre son titre serait attribuée à Orson Welles, qui l’aurait employée – dit-on – à propos du destin de certains cinéastes et producteurs de films ayant vécu dangereusement. Et ce dernier roman « branché » de Christophe Donner évoque précisément les tumultes du monde du cinéma en France, où les personnages détestables et les dépravés semblent abonder – si l’on se fie à cette fiction. Le récit commence abruptement par le cas authentique du producteur français Raoul Lévy (1922-1966) et de sa mort tragique alors qu’il frappe – un peu fort, il est vrai – à la porte de la demeure de son amie Isabelle Pons.
La toile de fond de ce roman désenchanté est le désordre moral du milieu artistique français, toujours avide de modes et de clinquant. Se succèdent une multitude de célébrités des années 1960 : la jeune Brigitte Bardot, le Jean-Luc Godard de sa période révolutionnaire et underground, l’actrice Anne Wiazemsky, le producteur Jean-Pierre Rassam, l’éditeur Gérard Lebovici, le réalisateur Maurice Pialat ou encore le cinéaste Claude Berri. Le propos est résolument mondain, presque une parodie du genre snob avec ses lieux branchés, comme l’illustrent ces lignes à propos de Claude Berri : « D’abord à La Coupole, puis chez Castel, Claude partage avec ses amis la joie de son dernier passage à la télévision ».
Frôlant parfois le vulgaire et le dérisoire, le style de Christophe Donner, qui a fréquenté les élites, est surchargé de références culturelles à la France chic ou populaire des années 1960 et 1970 ; on évoque même au passage Les Charlots, guignols prospères de la chanson et du cinéma comique, ou encore la chanson « L’argent ne fait pas le bonheur » du quatuor Les Parisiennes. Et inévitablement, le lecteur a droit à des récits héroïques où chacun raconte ses exploits contre les tenants du pouvoir durant Mai 68.
Il faut bien l’admettre : le roman Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive n’apporte rien de nouveau sur la petite histoire du cinéma français. À peu près tout ce qui est relaté est déjà connu et a été raconté dans différentes biographies que l’auteur a l’honnêteté de mentionner en fin de volume. On repense parfois au roman Ingrid Caven (Gallimard, 2000) de Jean-Jacques Schuhl. Voilà un exercice parfois trépignant qui s’apparente à un reportage de magazine. Ce que l’on perd en précision historique est compensé par l’effervescence du style.