Fais pas cette tête, un recueil de dix-sept nouvelles, est le cinquième de l’écrivain, occupé par ailleurs à de multiples tâches liées à la littérature, à la rédaction et à l’édition. Également grand lecteur, Jean-Paul Beaumier cite en exergue au recueil, mais aussi à la plupart des nouvelles, des auteurs tels les Christian Bobin, René Char, Georges Perec, Patrick Süskind, pour ne nommer que ceux-là, épigraphes qui nous mettent sur la piste de l’intention des textes. Ainsi peut-on lire en tête du livre une citation tirée de L’habitude d’être de l’Américaine Flannery O’Connor : ‹‹ Rappelez-vous simplement qu’on n’écrit pas à partir d’une idée mais à partir d’un personnage plausible, ou simplement parce que l’histoire est là, au complet ››. Des personnages plausibles dans ce recueil, assurément ! Chaque lecteur pourra y trouver une part de son côté sombre et plus facilement encore les petites manies d’autrui. L’usure du couple, le démon du midi d’un professeur amoureux de son étudiante, le voisin intolérant, le refus du fonctionnaire en fin de carrière de se préparer à la retraite voisinent la douleur d’une enfant, les « guéguerres » fraternelles, le meurtre d’une adolescente, ou encore la solitude d’une vieille mère endeuillée. Le ton spirituel actualise cependant le titre du recueil, qui suggère un sourire en coin de la part de l’auteur : Fais pas cette tête, qui s’adresse aussi bien aux personnages-narrateurs des nouvelles qu’aux lecteurs, soit : souris donc quand même ! On est charmé par une langue qui fait envie et qui, en quelques traits de plume, traduit la tendre moquerie ou la compassion et dédramatise les situations.
Si la richesse linguistique et stylistique du recueil est remarquable, son sceau d’originalité lui vient de la structure des nouvelles. Qu’il s’agisse d’intertextualité, alors que l’écrivain va à la rencontre d’autres textes comme dans « Objets abandonnés » (titre inspiré du roman Sunset Park de Paul Auster), « Comme un gros chien tout chaud » (référence à L’élégance du hérisson de Muriel Barbery), « Femme à la fenêtre » (allusion au personnage d’Agnès dans L’immortalité de Milan Kundera), ou de ce que j’appellerais, faute de mieux, de parallélisme réfléchissant, comme dans « Fourrière » (vieille Mazda à bout de souffle/rupture du couple), « Quand on aime » (étudiant éconduit la veille par un simple texto et devant disserter à partir d’une citation de Robert Lalonde où il est question de la malédiction d’aimer, en se remémorant les règles énoncées aux cours par le professeur. Un bijou !), la structure des textes additionne les couches de sens. Et c’est sans compter les jeux de mots (« Nouveauté ») et le jeu des apparences (« Baiser à la fenêtre »). Chaque nouvelle communique son étincelle d’intelligence au lecteur.
Fais pas cette tête témoigne d’une finesse d’observation, d’une maîtrise du genre et d’un art littéraire réjouissant.
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