L’amour est-il une quête impossible ? Ne sommes-nous que des « anges déchus » courant vers l’impossible ? Et pourtant, nous dit Fredric Gary Comeau, il faut savoir goûter la joie vertigineuse des anges déchus. D’un recueil à l’autre, Comeau traite inlassablement des deux mêmes thèmes, réussissant à les explorer de multiples façons : l’amour, toujours inassouvi, mais toujours passionné, et le voyage, longue suite de pays où il porte ce qu’il nomme son « errance » et qui viennent donner à ses poèmes différentes textures.
Le titre n’est pas sans évoquer cette phrase de Baudelaire : « [U]ne ivresse vertigineuse suivie d’un nouveau malaise », tirée de son essai Du vin et du haschisch (1851). Le poète demeure « à l’affût toujours / des appels à l’errance d’anges égarés », tout en étant déterminé à « [cracher] des chants d’anges déchus / jusqu’à ce que les cieux [lui] répondent ».
Les 144 poèmes de quelques vers chacun brossent un portrait complexe du cheminement amoureux d’autant plus qu’il s’agit moins de l’évocation de relations amoureuses que des questions ontologiques que le poète se pose « entre l’immense colère qui [l]’habite / et ton absence couleur de vertige » ou encore « entre l’abîme et le commencement ». C’est dans cet interstice que naissent les textes. Le nombre de poèmes est en lui-même symbolique de cette démarche tendue vers un accomplissement qui échappe malgré tout à l’auteur. Aussi, le recueil naît « après onze années d’errance », donc durant la douzième année : le choix du chiffre 12 contribue à cette même symbolique. Cette quête dont le poète émerge lui a permis de prendre conscience que « [s]on corps commence à comprendre / certains contours du verbe aimer ».
On le sait, Comeau est un auteur-compositeur-interprète et sa poésie est empreinte de musique, tant dans les images que dans la volonté d’écrire comme si c’était des notes de musique. Cette façon de faire texture les poèmes et crée des atmosphères qui peuvent avoir plus d’importance que le sens même du texte. Chaque poème exprime une sensation, une impression, une émotion que le suivant peut remettre en question. Les textes se répondent ainsi, moins par la portée de leur sens que par celle de leur pouvoir d’évocation. On retrouve ce même type d’approche dans ses chansons alors que musique et parole semblent se jouer l’une de l’autre, tout en étant inséparables.
Alors, nous dit-il, « je me suis si souvent égaré / que j’ai perdu ma propre trace ». Et c’est cette recherche de traces qui est au cœur même de ce recueil.