Le commissaire français Marc Berchet enquête sur une troublante série de décès qui a tout du jeu de massacre : la petite ville côtière de Chanelet devient du jour au lendemain le théâtre peu recommandé de suicides, d’assassinats et d’exécutions. Véritable hécatombe où périt de façon spectaculaire la lie de la société, comme si une justice immanente jetait, écœurée pour de bon, sa cape funeste sur les âmes noires des plus pervers sévissant ici-bas. Une mystérieuse entité vengeresse qui ne fait pas dans les nuances ni dans les demi-teintes prend ainsi forme humaine et se donne pour mission d’exécuter ses tâches meurtrières avec une extrême violence. Quand le Bien s’évertue à faire le mal…
Gilles Vidal a tâté à peu près de tous les métiers dans le domaine du livre : il a été au fil des ans libraire, éditeur, auteur d’une trentaine de romans, réviseur linguistique. Le prolifique écrivain français vient de s’associer à un éditeur montréalais en faisant paraître chez Coups de tête une œuvre hybride où se côtoient fantastique mystique et roman policier procédural : un mélange des genres bien dosé qui agrafe les doigts du lecteur conquis aux pages de ce roman ténébreux. Les portes de l’ombre confirme que l’on peut produire un thriller noir ambitieux sans faire de compromis sur la qualité du style et la sensibilité de l’écriture, un savoir-faire qui permet au roman d’atteindre une pénétrante profondeur.
Malgré son côté manichéen, Les portes de l’ombre demeure une œuvre captivante qui joue insolemment sur le terrain préféré de Patrick Senécal, celui de la mise en scène esthétisée de l’horreur, humour subtil et sentimentalité masculine assumée en prime. Bien qu’il faille forcer son esprit cartésien à adhérer à l’invraisemblable et à concéder une prise au surnaturel sur notre monde connu (reconnaissons du coup que cette contorsion n’a guère empêché l’appréciation critique et le succès populaire de Sur le seuil, par exemple), la lecture de ce roman de Gilles Vidal s’enrichit de son érudition sur le sujet inquiétant du mal et s’offre comme une variation métaphysique, ésotérique, sur la traque classique du tueur en série.