Tout aficionado d’Andreï Makine, cet auteur croulant sous les prix littéraires, dont le Goncourt et le Médicis 1995, attend son dernier roman avec impatience. Né en Sibérie en 1957, l’écrivain s’installe à Paris en 1987 et écrit depuis directement en français, prodige d’adaptation qui ne cesse de nous émerveiller.
Pourtant, Le livre des brèves amours éternelles, quinzième ouvrage de l’auteur, est loin de faire l’unanimité. Les huit nouvelles qui le composent ramènent le lecteur sous les régimes politiques plus ou moins totalitaires de la Russie, anciens et moins anciens, et abordent évidemment la thématique de l’amour, comme le titre l’indique. Il faudrait d’ailleurs parler des amours, au pluriel, sous forme symbolique ou pas, sous l’angle des enfants ou des adultes. Des nouvelles dans lesquelles baigne cette tendresse caractéristique de Makine : « Un homme qui n’avait pas eu le temps d’aimer ».
Histoire soviétique et rencontres particulières sont typiques de l’univers de l’écrivain franco-russe qui les aborde souvent avec maestria. Qu’est-ce qui accroche alors ? Le ton, peut-être. Ni l’imaginaire ni la sensibilité de l’auteur ne font défaut ici ; ni sa puissante capacité évocatrice : « Je suis encore ébloui par la violence lumineuse du mistral, dans ces villes blanches de soleil, qui semblaient être dessinées sur des voiles de bateau ». Peut-on trop maîtriser son écriture et la structure d’une histoire jusqu’à les affadir ? Les rendre précieuses ? Jusqu’à en affaiblir le récit ?
Du début à la fin du livre, pourtant, la vie des héros de l’auteur nous intéresse, autant que ce qu’ils dénoncent : « […] voir mes concitoyens sommeiller autour d’une bauge m’est particulièrement intolérable ». À lire donc, mais avec un bémol. Et pour qui veut découvrir le grand romancier qu’est Makine, peut-être commencer par une autre de ses œuvres.