D’où vient cette fascination grandissante pour la Seconde Guerre mondiale ? On ne compte plus les romans sur le sujet écrits par des auteurs nés après le conflit. Pensons aux Bienveillantes de Jonathan Littell, à L’offense de Ricardo Menéndez Salmón et à ce petit livre du Norvégien Roy Jacobsen, Les bûcherons. Est-ce la quête d’un monde intense, tragique, où les profondeurs inconscientes du mal côtoient ce qu’il y a de plus élevé en l’humain ? Il y aurait un peu de cela dans l’œuvre de Jacobsen. Mais aussi le désir de retrouver l’homme, un homme, traversé malgré lui par une histoire devenue mythe. Un homme qui, le 7 décembre 1939, a tout bonnement décidé de ne pas quitter sa ville incendiée par ses compatriotes finlandais alors qu’approchaient les troupes soviétiques. Ainsi sera-t-il le témoin privilégié de ce que l’on nommera plus tard la bataille de Suomussalmi, qui fut par ailleurs gagnée par une poignée de Finlandais opposés à l’invasion de l’Armée rouge, et où périrent quelque 27 000 soldats russes, pris dans un étau sur une terre glacée et inhospitalière. L’intérêt de ce livre, outre le fait qu’il nous fait entrer avec beaucoup de réalisme dans la grande histoire, réside dans ce personnage que tout le monde prend pour un idiot. Comme l’idiot de Dostoïevski, il l’est sans doute moins qu’on ne le prétend. Mais lui-même, le sait-il ? Avec une sorte d’humilité, il arrive à survivre au froid (moins 40 degrés Celcius le jour), à la faim, aux violences, à l’absurdité. Il deviendra même le « chef » d’un groupe de bûcherons russes qui, comme lui, seront jugés inutiles à la guerre. Idiot, il l’est peut-être un peu lorsqu’il néglige de prendre position et veut croire en l’amitié. Mais certains seront aussi idiots que lui, voilà toute la beauté.
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