Équilibre raffiné qui rappelle celui des sonnets réussis : un format aussi exigeant qu’implacable et une inspiration qui semble tout ignorer des contraintes auxquelles on la soumet. « Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain… » Corriveau loge, en effet, 60 nouvelles en 140 pages sans qu’aucune puisse crier aux douleurs de l’émondage brutal ou à la camisole de force. Dans chaque histoire, la quarantaine de lignes, le paragraphe des coordonnées spatiales, temporelles ou psychologiques, celui du dégagement, du recul, du mystère, puis, sans le clinquant de la chute forcée, le résidu logique et inattendu ou le clin d’œil. Des conclusions ? Si peu.
Corriveau demeure ainsi homme de pari. Du pari osé et tenu. Dans Troublant, il promettait et livrait cent récits. Dans Autour des gares, il proposait encore une fois cent nouvelles et les rattachait toutes, avec l’élégance de la liberté, au thème de la gare. Cette fois, le format s’impose, plus que le nombre, mais demeure intacte l’impression de parfaite détente. Aucune trace d’effort, aucune odeur de discipline, preuve que l’improvisation la plus impromptue sourd d’une préparation qui sait taire ses calculs et ses hésitations.
Le registre de Corriveau est ample et féroce, urbain aussi volontiers que familial. On y rencontre de vieilles dames dont l’appétit est inexistant et pourtant affirmé, des comédiens qui compliquent tout avant d’admettre que « le petit chat est mort », des puits aux secrets profonds, des fils aux doigts semblables à des ventouses. Et la langue s’adapte à chaque personnage, se faisant sobrement cruelle ou éclaboussante selon que le geste ou le sentiment exige l’ombre ou le constat. Du beau travail qui se réserve la minutie et ne livre que du plaisir.