« Dire que ces journaux sont révélateurs est un euphémisme radical », affirme David Rieff dans sa préface. D’une grande franchise sexuelle et d’une fermeté d’opinion qui tranche parfois avec sa passion du savoir, c’est une Susan Sontag inédite qui est ici révélée. La bouillante intellectuelle américaine, emportée par une leucémie en 2004, n’avait jamais permis à quiconque de fureter dans les pages de son journal.
Renaître est le premier de trois volumes d’extraits choisis du journal de Sontag. Les éditions Christian Bourgois, qui sont en train de rassembler les œuvres complètes de l’Américaine dans une attrayante collection de poche, n’ont pas perdu de temps. La version originale de ce livre, Reborn, a paru à la fin de 2008. C’est le fils unique de l’écrivaine, David Rieff, lui-même essayiste et politologue de renom, qui a établi et préfacé le texte. Il poursuit ainsi un travail de mémoire entamé avec son émouvant essai Mort d’une inconsolée, Les derniers jours de Susan Sontag. Il y a d’ailleurs beaucoup de David Rieff dans Renaître, ainsi qu’il l’explique dans sa préface. Ne sachant quel sort sa mère aurait souhaité réserver à ses papiers intimes, Rieff a estimé préférable de les publier sans attendre. Comme tout ne lui paraissait pas digne d’intérêt, il a décidé de se limiter aux entrées les plus captivantes et d’indiquer entre crochets les passages qu’il a supprimés.
Les pages de ces journaux et carnets ont été écrites entre le début de l’adolescence de Sontag (qui avait 14 ans en 1947) et le début de sa trentaine, à l’époque où elle venait de terminer son premier roman, Le bienfaiteur. Pour l’essentiel, le propos de la diariste recouvre deux dimensions : des considérations sexuelles et l’organisation de son monde intellectuel. De l’apprivoisement de son homosexualité à ses relations compliquées avec deux amantes, H et I, des livres qu’elle a aimés à ceux qu’elle projetait de lire, c’est une Susan Sontag de chair et d’esprit qu’il nous est ici donné de découvrir.