Alain Deneault est titulaire d’un doctorat en philosophie et il enseigne la sociologie à l’Université du Québec à Montréal. Il a été coauteur, avec Delphine Abadie et William Sacher, de Noir Canada, Pillage, corruption et criminalité en Afrique, publié en 2008, également chez Écosociété. La controverse provoquée par la parution de cet ouvrage est de notoriété publique.
Alain Deneault fait paraître cet autre essai engagé traitant cette fois-ci des paradis fiscaux et de la criminalité qui s’y rattache. Il fait remonter sa réflexion jusqu’aux « économies-monde » de la Renaissance établies successivement dans les grandes villes d’Europe comme Anvers, Venise, Gênes ou Amsterdam. Déjà, à cette époque, « [o]n reconnaît [ ] les traits caractéristiques de nos ‘paradis fiscaux’ actuels : effacement, disqualification ou perdition de l’élite politique ; absence d’impôts, soumission des États-villes à leurs créanciers ; faiblesse du rôle de l’État ou financement de l’État par le biais d’impôts sur le revenu ou de taxes indirectes que supportent les salariés et les petits consommateurs ; internationalisation de la classe dirigeante financière ; soumission des États-villes aux aléas du marché ».
Bien sûr, de nos jours, les technologies de l’information rendent beaucoup plus faciles et rapides qu’alors les transactions liées à l’évitement fiscal, de même que celles rattachées à la criminalité.
Alain Deneault déplore que se soit aujourd’hui établi « un rapport triangulaire entre les États impérialistes dits ‘États de droit’, les États du Sud soumis à des logiques commerciales et économiques qui leur échappent et les paradis fiscaux ». Il constate que « les États déréglementent leur économie pour attirer chez eux les ‘capitaux nomades’ ». Il ajoute que « [d]e ce fait, les fonds du crime se trouvent largement réinvestis dans le marché économique traditionnel et s’imposent désormais comme des sources de financement incontournables ».
Cela peut concourir au fait que les actions des gouvernements et des organismes financiers internationaux contre les paradis fiscaux ne ciblent généralement que des joueurs mineurs du monde de l’offshore et prennent trop souvent l’allure de coups d’épée dans l’eau.