Très honorable président du groupe Le Monde et par ailleurs romancier fort apprécié, Éric Fottorino s’autorise plus que jamais la transparence. Avec L’homme qui m’aimait tout bas, il plonge sans filet dans l’autobiographie, tendre hommage posthume à son père adoptif. Pour notre grand bonheur.
Déjà dans Korsakov, l’auteur exposait sans équivoque son attachement à sa famille adoptive ‘ la tribu Fottorino ‘ et dédicaçait le livre à la mémoire d’un autre homme important à ses yeux et à son cœur, son grand-père Marcel.
Dès la première phrase de L’homme qui m’aimait tout bas, Fottorino lève toute ambiguïté : « Le 11 mars 2008, mon père s’est tué d’un coup de carabine ». À 70 ans, le chaleureux Pied-Noir ‘ kinésithérapeute de métier ‘ a choisi son destin, comme tant d’autres que nous avons aimés, laissant les siens désemparés. « Papa est mort, papa n’est plus, n’existe plus, papa s’est suicidé. » Avec quelle douleur, teintée de quelle magnifique affection, l’écrivain dévoile leur relation.
Michel et Éric Fottorino se sont rencontrés en 1970, à Bordeaux, lorsque l’un a épousé la mère de l’autre. L’enfant avait alors neuf ans, c’était le début d’un long amour. « Je suis devenu le premier des Fottorino né de l’autre côté, Français mais de Tunisie de toutes mes forces. » Maintenant, l’écrivain avoue les regrets, le dialogue qui n’a pas eu lieu. Il souffre de l’absence. « Il aurait fallu parler ensemble. On évitait ce qui aurait pu créer des tensions, de l’incompréhension. »
L’auteur est pudique, certes, mais il préfère affronter la vérité, redonner la parole, même lorsque c’est douloureux. « Le lendemain, au courrier, j’ai reçu une lettre. [ ] Sa lettre était pleine de choses qui font pleurer, alors ça n’a pas manqué. »
Tant de romanciers ont évoqué avec intelligence et délicatesse leur grand amour pour leur mère. Fottorino a voulu raconter le père, l’homme qui lui avait donné son nom. « Il aimait qu’on ait besoin de lui. Il ne supportait pas d’avoir besoin de quiconque. »
Le dernier-né de Fottorino était en présélection des prix Médicis et Goncourt 2009.