On nous dit en quatrième de couverture de l’anthologie Voix d’Argentine : « Zébrée de fleuves, peuplée d’immigrants, entre mer et montagnes et plaines, l’Argentine est au sud du sud ce que le Québec est au nord du nord. Buenos Aires est son Montréal. Les arts y foisonnent, mais c’est la poésie qui lui donne sa cohérence ». On parle, en notre époque, d’une mondialisation fondée sur des intérêts mercantiles dont les enjeux manquent trop souvent de noblesse. La culture – l’acte poétique en ce qui concerne ce livre – serait-elle le véritable vecteur d’une mondialisation à visage humain ? Au-delà d’un idéalisme superficiel, cette anthologie nous le laisse croire… car née d’une collaboration entre trois maisons d’édition issues de différents pays. La magie de l’art poétique, nonobstant les époques, prendra en ce cas la figure d’une universalité réelle, concrète parce que ancrée dans des sociétés, des cultures spécifiques. On sait que l’Argentine s’est construite à partir d’une forte immigration espagnole, italienne, irlandaise et autres ; d’où une beauté féconde qui y surgit et nous habitera sans doute longtemps.
Les poèmes choisis par Claudia Schvartz et Gerardo Manfredi nous laissent, une fois de plus, concevoir la richesse poétique comme fondement de l’identité d’un peuple, d’une culture particulière. Les « biens culturels » seront au même niveau – sinon plus pertinents – que l’unique trame économique. Mieux encore, l’histoire va acquérir sens et cohérence par la poésie qui peut être en mesure d’évoquer tous les aspects de l’existence : c’est en cela que Fernand Dumont a pu parler d’une « culture-horizon » nous ancrant dans le monde.
Les poètes et poétesses retenus pour cette anthologie sont des créateurs dits de « province », décentrés de cette « douane culturelle » que représenterait Buenos Aires : ils se situent ainsi hors des officiels cénacles. Ils sont nés entre 1949 et 1969 ; on peut donc parler, en ce sens, d’une « récente » génération d’artistes qui n’hésiteront pas à se référer à l’unique et incontournable Jorge Luis Borges. Évidemment, ils possèdent leurs écritures propres, dignes d’attention. « Personne ne trouve ce qu’il cherche, on dirait », écrit l’un des poètes… Cette « nouvelle poésie » argentine semble avoir trouvé sa voie, ses voix, et cela, dans un monde où il « n’y a plus de lieux sûrs ». Sauf celui, sans doute, de l’art.