Fractures du dimanche de Michel Ouellette allie théâtre, roman et catalogue d’œuvres d’art dans une structure littéraire inédite qui provoque et désarçonne le lecteur. C’est l’œuvre d’un dramaturge d’expérience ‘ plus d’une trentaine de textes pour le théâtre ‘, d’un romancier et d’un habile poète.
Les intrigues au cœur de cette œuvre hybride tournent autour de trois personnages principaux et de leurs proches : une veuve, entrepreneure en construction, vit un drame profond avec ses trois fils ; un auteur dramatique qui a perdu sa voix créatrice depuis qu’il enseigne à l’université se fait rebâtir une maison hors de la ville ; et une jeune peintre en quête d’elle-même finit par se découvrir au cœur de son œuvre.
Le lecteur sera bientôt absorbé par la lecture de ce livre, happé par une montée dramatique d’une exactitude chirurgicale, étouffée juste à temps pour ne rien perdre de son efficacité. Trois lignes de force se dessinent : des intrigues et des personnages bien construits, un appel des sens par des narrations sensuelles et une stimulation de l’intellect par des réflexions sur l’évolution du monde. C’est brillant, poétique et scientifique, si bien que l’on pardonne les petits moments de surenchère lyrique propres à Ouellette. Création littéraire issue d’une thèse de doctorat portant sur les idées scientifiques et les genres littéraires, Fractures du dimanche est une œuvre expérimentale qui frappe.
Par un procédé inusité, l’auteur s’adonne à l’autodérision ainsi qu’à la mise en abyme, entre autres par le personnage d’un auteur qui parle de l’auteur qui le crée. Cette métalittérature permet de poser des constats sur la littérature et le théâtre, des univers bien connus de l’auteur. On trouve dans ce « roman théâtral » certaines scènes surréalistes délicieuses ainsi que des images fortes, et dire que l’écriture en est riche serait un euphémisme. Les mots vont droit au but, alliant finesse et fracas, parfois brutalité, parfois sensualité extrême.
Il s’agit sans aucun doute d’un grand auteur dont on veut encore et encore lire les mots, plus qu’on ne veut les entendre au théâtre, car on peut de cette façon se délecter à sa guise de son écriture et ainsi partager la liberté dont jouit l’auteur dans cette forme qu’il s’est inventée.